Des associations de lutte contre le cancer et plusieurs médecins ont salué jeudi la décision du Conseil constitutionnel de censurer les dispositions de la loi Duplomb qui autorisaient la réintroduction d'un pesticide de la famille des néonicotinoïdes.
"On ne peut que se satisfaire de la décision du Conseil constitutionnel", a réagi le vice-président de l'Ordre des médecins, Jean-Marcel Mourgues tout en reconnaissant "la réalité des problèmes des agriculteurs", leur "souffrance psychologique liée à la détresse parfois professionnelle".
"Nous sommes très attachés à ce qu'en termes d'exposition à des produits potentiellement dangereux, il faille respecter conformément à la Constitution le principe de précaution, puisqu'il ne s'agit ni plus ni moins que de la santé de nos concitoyens et de la prévention à des graves maladies potentielles", a-t-il ajouté à l'AFP.
Une pétition contre la loi Duplomb, adoptée au Parlement début juillet avec le soutien du gouvernement, autorisant la réintroduction sous conditions d'un pesticide, l'acétamipride, interdit en France depuis 2018, avait dépassé la barre des deux millions de signatures fin juillet.
Plusieurs sociétés savantes et associations de patients avaient appelé dans une tribune le Conseil constitutionnel à rejeter le texte, invoquant les risques pour la santé publique et les atteintes aux principes constitutionnels de protection de l'environnement.
La réintroduction sous conditions de l'acétamipride a été jugée par les Sages contraire à la Charte de l'environnement.
"Ils ont fait un geste symbolique qui est d'enlever ce néonicotinoïde qui s'appelle l'acétamipride. Ça montre une chose, ça montre que le rapport de force fonctionne", a estimé la fondatrice du collectif Cancer Colère, Fleur Breteau, présente devant le Conseil constitutionnel.
Mais "pour nous, la loi Duplomb dans son entièreté aurait dû être abrogée, c'est une loi complètement archaïque qui défend un modèle d'agriculture qui est très dommageable, qui nous fait du mal, qui nous empoisonne", a-t-elle ajouté.
"Cette décision élève les enjeux au-delà du seul acétamipride qui cristallise aujourd'hui les débats (...), puisque ce texte donnait aussi et surtout un blanc-seing à de futures dérogations pour d'autres néonicotinoïdes", selon la Ligue contre le cancer.
"Ce qu'il faut retenir, c'est que la santé publique ne peut pas faire l'économie d'un débat éclairé par la science", souligne Francelyne Marano, présidente du comité de pilotage cancer et environnement de la Ligue contre le cancer et professeure émérite en toxicologie à l'Université Paris Cité.
"C'est une très bonne nouvelle pour la communauté scientifique, médicale, pour la population et même, je dirais, pour les agriculteurs", a réagi de son côté auprès de l'AFP Julien Mazières, pneumologue au CHU de Toulouse.
"C'est une très bonne chose également globalement sur le fait qu'on commence vraiment à prendre en compte l'environnement de manière plus sérieuse et qu'on interdit ces produits toxiques", a ajouté le spécialiste.