Loi climat et poids lourds: la majorité prudente face à un secteur vent debout

Echaudée par le mouvement des "bonnets rouges" sous François Hollande, la majorité défend très prudemment les mesures visant les poids lourds dans le projet de loi Climat et Résilience, qui suscite l'ire des transporteurs routiers.

Votées samedi en première lecture à l'Assemblée, deux dispositions cristallisent les tensions : la mise en place hypothétique d'une écotaxe dans les régions volontaires et une trajectoire progressive de suppression d'un avantage fiscal sur le gazole routier à l'horizon 2030.

La filière est remontée contre une "taxation qui va pénaliser les entreprises françaises" dans un secteur très "concurrentiel", insiste Jean-Marc Rivera, délégué général de l'OTRE, l'organisation patronale des PME du transport routier.

Conscient de la "sensibilité" du sujet, la majorité ne cesse de louer le rôle clé des transporteurs durant cette crise sanitaire et insiste sur la "concertation" à venir autour des mesures contestées.

Le mot "écotaxe" est d'ailleurs banni du vocabulaire des "marcheurs", qui lui préfèrent celui de "contribution spécifique" dans les régions volontaires, et soulignent les étapes encore nombreuses avant sa mise en place éventuelle sur des tronçons routiers délégués aux régions.

"On n'est pas là pour recycler l'écotaxe" de 2013, qui "était imposée par Paris", assure le corapporteur du texte à l'Assemblée Jean-Marc Zulesi, en référence à la mesure abandonnée dès l'année suivante après le mouvement "des bonnets rouges".

"Cette fois, on est sollicité par un certain nombre de régions", insiste-t-il, alors que l'Alsace veut initier la démarche face à l'afflux de poids lourds sur l'A35.

Valérie Pécresse (ex-LR), présidente de l'Ile-de-France, est "favorable à l'écotaxe, mais uniquement pour les poids lourds en transit, ceux qui nous polluent et ne nous apportent aucune valeur ajoutée", dit-elle à l'AFP.

Même prudence des "marcheurs" pour l'avantage fiscal dont bénéficie le gazole routier sur la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques), et qui pourrait être supprimé par paliers jusqu'en 2030.

Pour éviter toute distorsion de concurrence avec les pays voisins, la trajectoire sera précisée à l'issue de la présidence française du Conseil de l'Union européenne au premier semestre 2022, indique le projet de loi.

Des députés écologistes comme Delphine Batho dénoncent une "vague intention" de réduire l'avantage fiscal, "sans portée normative".

- 600.000 poids lourds -

La majorité se défend de toute frilosité. L'Assemblée a voté un amendement de Jean-Marc Zulesi pour programmer la fin de la vente des poids lourds à "énergie fossile" en 2040 : un alignement sur une mesure déjà votée pour les ventes de voitures de particuliers.

L'enjeu n'est pas mince. Le parc de poids lourds en France compte plus de 600.000 véhicules, tous diesel. Ils représentent environ 24% des émissions de gaz à effet de serre de la circulation routière, contre 54% pour les véhicules particuliers (20% pour les utilitaires légers). Et les transports pèsent pour plus de 30% des émissions françaises.

Pour offrir des alternatives, le ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari promet "d'accélérer les aides", afin de renouveler la flotte vers l'électrique et l' hydrogène, 50.000 euros pour les camions et 30.000 euros pour les cars.

Encore faut-il des modèles disponibles, notamment pour les gros tonnages. "On nous parle d'aides au financement, mais pour des véhicules qui sont aujourd'hui inexistants... On se moque un peu de nous", grince Jean-Marc Rivera (OTRE).

La Convention citoyenne pour le climat a souligné un autre enjeu, celui du report modal vers le fluvial ou le fret ferroviaire, dont la "part n'a cessé de décroître depuis 15 ans".

Le gouvernement insiste sur les 4,7 milliards d'euros prévus dans le plan de relance en faveur du train et du réseau SNCF. Mais seulement 200 millions concernent le fret ferroviaire, dont les précédents gouvernements n'avaient pas réussi à enrayer le déclin (9% du transport intérieur de marchandises en France contre 89% pour la route).

A droite, les LR concentrent leurs critiques sur le "camion bashing" et une "taxation punitive", en l'absence de "solutions industrielles alternatives". Et ils n'ont pas manqué de fustiger le "retour de l'écotaxe".

Au-delà des poids lourds, la majorité a un autre précédent en tête, durant ce quinquennat cette fois : la contestation des "gilets jaunes" née d'une taxe sur les carburants.

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