Les femmes souhaitant une interruption volontaire de grossesse (IVG) peuvent dans certains cas s'adresser à un médecin via la téléconsultation: cette procédure récente reste encore marginale mais s'avère précieuse pour celles qui sont "vulnérables" ou "isolées".
Parmi ces femmes, "il y a celles qui habitent en banlieue éloignée, à plus d'une heure de Paris, avec des enfants en bas âge, qui n'ont pas le temps de faire des allers-retours au cabinet", décrit à l'AFP Marie Msika-Razon, médecin généraliste à Paris, qui réalise en moyenne deux téléconsultations hebdomadaires pour IVG médicamenteuse - acte possible jusqu'à sept semaines de grossesse, alors que l'IVG instrumentale l'est jusqu'à 14 semaines.
"Et puis il y a celles habitant hors de la région parisienne, dans des zones où l'accès à l'IVG est restreint, faute de soignants ou d'infrastructures", ajoute cette professionnelle qui reçoit des demandes de multiples régions.
La liberté de recourir à l'IVG est désormais garantie par la Constitution, une avancée notable pour les associations féministes. Mais ces dernières demandent au gouvernement de travailler à améliorer encore son "accès", comme l'a rappelé cette semaine le Planning familial. La téléconsultation est un des moyens de "garantir l'accès à l'IVG partout sur le territoire", a admis cette semaine le ministre délégué à la Santé Frédéric Valletoux.
- Depuis la pandémie -
En 2022, la téléconsultation a permis de faciliter l'accès à l'IVG médicamenteuse de 972 patientes, selon la Drees, l'agence de statistiques du ministère de la Santé. Un chiffre faible au regard des quelque 230.000 avortements réalisés en France, soit 4 pour 1.000, un chiffre stable.
La mesure avait d'abord été décrétée pendant la pandémie de Covid, en avril 2020, afin de permettre aux femmes d'avoir recours à une IVG dans les délais, en période de tensions du système de soins. Elle a été pérennisée en février 2022, concrétisant "une revendication" de longue date de l'IPPF (Fédération internationale pour la planification familiale), rappelle à l'AFP Véronique Sehier, ancienne coprésidente du Planning familial.
"La téléconsultation donne l'espoir de faciliter significativement l'accès à l'IVG pour des populations marginalisées ou vulnérables", souligne Hazal Atay, chercheuse en sciences politiques au CEVIPOF, qui a mené une enquête en 2021 sur le profil de ces patientes.
Ce mode de consultation réduit "les inégalités territoriales entre les femmes" et leur " permet également de s'émanciper car l'accès à l'IVG a une dimension socio-économique importante", renchérit Hélène Périvier, économiste et cosignataire de l'étude.
- Désert médical -
Outre éviter aux femmes vivant dans un désert médical des heures de transports pour demander une IVG, la téléconsultation "allège légèrement" la procédure pour la patiente, selon Marie Msika-Razon, notamment en donnant la possibilité de retirer les deux médicaments abortifs en pharmacie plutôt qu'auprès d'un médecin ou d'une sage-femme.
Cette méthode de consultation pour l'IVG fait "consensus" dans la profession, estime Philippe David, membre du Collège national des gynécologues et obstétriciens (CNGOF).
Alors pourquoi peu de professionnels - médecins ou sage-femmes - la proposent-ils? "Entre le matériel à acquérir, les documents à scanner qui n'en finissent pas, la facturation complexe en ligne... Il y a un véritable frein organisationnel qui décourage les médecins", témoigne Patrick Fournet, gynécologue en Normandie.
"Une consultation en visio est une plus grosse charge de travail qu'en présentiel", reconnaît également Marie Msika-Razon, qui dit proposer cette modalité "par acte militant".
Si Véronique Sehier souhaite que la téléconsultation bénéficie d'un soutien pour "les femmes isolées", l'administratrice du Planning familial dans le Nord alerte sur le fait que "ça ne doit pas permettre aux autorités de se dédouaner au sujet du nombre insuffisants de lieux d'accueil pour avoir recours à une IVG" en France. Consulter de chez soi ou se déplacer jusqu'à un cabinet, "il faut que ça reste un choix pour la patiente".