LGV du Sud-Ouest: un chantier "pharaonique" face une à opposition hétérogène

Plusieurs milliers d'opposants à la future ligne à grande vitesse (LGV) entre Bordeaux, Toulouse et Dax sont annoncés en Gironde samedi pour protester contre un chantier "pharaonique", lancé au printemps et évalué à une quinzaine de milliards d'euros.

Après des mobilisations rassemblant quelques centaines de personnes ces dernières années, les collectifs d'opposants locaux ont fait appel au mouvement écologiste radical des Soulèvements de la Terre pour "sortir des radars au niveau national".

"C'est une lutte qui a au moins 30 ans... Désormais, on attend une image forte", explique à l'AFP Pauline Dupouy, militante historique du collectif "LGV NiNa" (Ni ici Ni ailleurs).

Selon des arrêtés préfectoraux pris en amont de la mobilisation, pour interdire notamment le transport d'armes, environ 3.000 personnes, "dont 10% d'individus considérés comme très violents", sont attendus ce week-end à Lerm-et-Musset, à 40 km au sud de Bordeaux.

C'est là, aux confins de la forêt landaise, que doit avoir lieu une manifestation aux contours encore flous, présentée comme une série de "jeux" par les organisateurs.

- "Pour le siècle" -

La future LGV, un projet dans les cartons depuis les années 1990 et relancé en 2020, prévoit de relier en 2032 Paris à Toulouse, via Bordeaux, en 3 heures 10, gagnant une heure sur le trajet actuel.

Un embranchement traversant en diagonale la forêt des Landes doit aussi desservir Dax, établissant la première phase "d'un grand corridor européen atlantique" pour permettre, plus tard, la création de liaisons directes à grande vitesse avec l'Espagne et le Portugal.

Le chantier, lancé en mai au nord de Toulouse, doit coûter a minima 14,3 milliards d'euros, financés par l'Etat, les collectivités locales et l'Union européenne.

"Un investissement pour un siècle au moins", justifie le président de la région Nouvelle-Aquitaine Alain Rousset (PS).

Il parie sur l'ouvrage pour "améliorer les trains du quotidien" - TER et futurs RER dans les métropoles - en doublant les voies, "décongestionner nos routes envahies de camions" en libérant des créneaux pour le fret, et "désenclaver" le territoire en créant de nouvelles gares.

Pour le maire de Mont-de-Marsan, Charles Dayot (centre-droit), la nouvelle ligne "ouvrirait le champ des possibles", notamment pour les jeunes, en mettant fin à une situation "recroquevillée" de cul-de-sac ferroviaire de la préfecture landaise.

- Elus divisés -

Mais "un train qui passe à 320km/h, ça ne désenclave pas", coupe Jacqueline Lartigue, maire de Bernos-Beaulac (1.200 habitants), village au coeur de la future jonction en "Y" qui reliera Bordeaux, Toulouse et l'Espagne. Elle dénonce "un projet pharaonique", "fait pour les métropoles et l'égo des grands élus".

L'édile, à la tête d'un collectif d'élus locaux dont "la colère vient de loin", plaide, tout comme le maire écologiste de Bordeaux Pierre Hurmic, pour "une rénovation des lignes existantes" et soutient une lutte par "des canaux légaux", citant les initiatives trans-partisanes récentes de parlementaires girondins.

Quatre d'entre eux (2 LFI, 1 EELV et 1 Modem) ont réclamé au Premier ministre la tenue d'un référendum local sur le projet, et huit (de LFI à LR) ont dénoncé "un déni de démocratie" après la validation par l'État de la commission d'enquête publique sur la partie bordelaise du projet. Celle-ci a rendu un avis favorable qui va à l'encontre, selon ces parlementaires, de la grande majorité des contributions exprimées.

Si la LGV est largement soutenue en Occitanie, une poignée de collectivités de Nouvelle-Aquitaine ont renoncé à la financer ou voté une contribution plus faible qu'attendu.

En plus des mouvements écologistes ou citoyens, les sylviculteurs du Sud Ouest, les viticulteurs du Sauternais et des chasseurs ont exprimé leurs vives inquiétudes vis-à-vis d'un chantier qui vient "clôturer la forêt" et "mettre à mal les écosystèmes", sans toutefois appeler à manifester.

Les élus opposants de longue date, contactés par l'AFP, affirment de leur côté ne pas avoir été conviés à cette "première" mobilisation anti-LGV des Soulèvements de la Terre.

Un rassemblement, à l'initiative des collectifs locaux, est également programmé fin mars prochain.