L'extraction aurifère en Guyane, enjeu d'une réforme du code minier

L'Assemblée nationale examine vendredi la refonte du code minier, dans le cadre du projet de loi Climat, dont l'enjeu majeur est de renforcer la prise en compte des enjeux environnementaux dans la délivrance des titres miniers, en écho au controversé projet Montagne d'or, en Guyane.

Avec le code minier français actuel, qui n'a pas été réformé en profondeur depuis 1994, l'Etat est obligé de délivrer un titre minier à l'entreprise qui le demande et doit attendre la demande d'autorisation de travaux pour refuser un projet qui ne répond pas aux critères environnementaux en vigueur.

C'est ce qui s'est passé avec le projet d'extraction minière Montagne d'or en Guyane, objet d'un bras de fer depuis plusieurs années avec le gouvernement, qui a réaffirmé son opposition en déposant en février un recours contre une décision du tribunal administratif qui lui avait ordonné de prolonger les concessions minières.

Ces concessions sont les clés de voûte du projet minier de la Montagne d'or, le plus grand projet d'extraction d'or primaire jamais proposé en France, porté par le consortium russo-canadien Nordgold-Columbus Gold.

Avec la loi Climat, "dès la délivrance du titre minier, si à l'issue de l'instruction il ne doit pas être autorisé pour des motifs environnementaux, on sera en mesure de le faire", explique le ministère de la Transition écologique.

"Le ministre (des Outre-mer Sébastien Lecornu) considère qu'il y a bien une place pour une filière aurifère en Guyane, mais que celle-ci doit pouvoir être encadrée selon les canons" du respect de l'environnement qui existent pour les projets d'autres secteurs, ajoute-t-on.

- Pas "reperdre 10 ans" -

Autre question qui touche la Guyane: la lutte contre l'orpaillage illégal, pour lequel le texte prévoit "d'adapter des procédures au contexte dans lequel les opérations sont conduites". Par exemple, "on ne peut pas démarrer une garde à vue au fin fond de la forêt comme on le ferait sur la bande littorale ou dans l'Hexagone", souligne le ministère des Outre-mer.

Dans l'hémicycle vendredi matin, les députés ont encore durci les sanctions prévues par le code minier pour les activités d'orpaillage illégal, via des amendements du député de Guyane Lénaïck Adam (LREM).

Les mesures du nouveau code minier seront traitées en deux parties: certaines seront gravées dans la loi quand "les dispositifs plus techniques" seront traités par ordonnances, dans les 18 mois.

Le projet de loi prévoit que ces ordonnances devront définir une politique de "valorisation durable des ressources et usages du sous-sol" privilégiant notamment la transition énergétique, le numérique et le recyclage.

Elles devront "améliorer la prise en compte des enjeux environnementaux liés aux activités minières à tous les stades" et "rénover la participation du public et des collectivités territoriales" dans ce domaine.

Les oppositions de droite et de gauche ont fustigé le choix du recours aux ordonnances pour une réforme d'ampleur de ce secteur d'activité, ainsi que ce délai de 18 mois qui pourrait permettre de l'enterrer.

"Nous associerons les parlementaires qui le souhaitent" à la rédaction des ordonnances, a promis la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, face à un tir de barrage des oppositions refusant un "blanc-seing" au gouvernement.

Dans une ambiance houleuse, Mme Pompili (ex-EELV) a rappelé qu'elle avait grandi à Liévin (Pas-de-Calais), que son grand-père était "mineur de fond" et que son arrière-grand-père "travaillait aussi dans les mines". "Je ne supporterai pas qu'on reperde dix ans" pour cette réforme, a-t-elle lancé.

"Dans la mesure du possible, notre objectif est de sortir l'ordonnance avant la fin du quinquennat", affirme le ministère. Mais "on ne peut pas écarter, parce qu'il y a un risque lié au calendrier du projet de loi Climat et résilience, que ça bascule" sur le quinquennat suivant.

En séance vendredi, les députés ont déjà inscrit dans le dur du projet de loi la possibilité de refuser un titre minier pour des motifs environnementaux. Et les titres miniers seront soumis à analyse économique, environnementale et sociale. "C'est une avancée significative pour garantir une exploitation plus responsable des ressources de notre sous-sol", s'est félicitée la ministre.