L'Europe a besoin d'"urgence" d'un mécanisme de répartition des migrants, juge le HCR

L'Europe doit se doter en "urgence" d'un mécanisme de répartition automatique, prévisible et solidaire des migrants secourus en Méditerranée pour leur offrir les gages d'un meilleur accueil, juge Céline Schmitt, porte-parole en France du Haut-commissariat aux réfugiés de l'ONU.

Question: l'échec de la prise en charge par l'Europe de 180 migrants débarqués en Italie du navire humanitaire Ocean Viking, il y a un an, est-il le symptôme d'une politique qui dysfonctionne ?

Réponse: "je ne saurais pas dire si c'est un +bug+ isolé, mais cela montre tout le problème des négociations bateau par bateau et l'absence d'un mécanisme de répartition automatique, prévisible. Ce mécanisme est important parce que l'accueil doit être organisé, pour qu'il y ait un enregistrement rapide des personnes une fois qu'elles débarquent en Europe.

Certes, ces personnes peuvent déposer une demande d'asile en Italie, le pays de débarquement, mais il ne faudrait pas que ce soit la seule responsabilité des pays qui sont frontaliers de la Méditerranée, du simple fait de leur emplacement géographique.

C'est pour ça qu'il faut un partage de la solidarité et de responsabilités par différents pays européens, pour protéger les personnes qui fuient les guerres, les persécutions, et qui ont besoin de protection internationale.

C'est particulièrement vrai pour les personnes vulnérables, notamment les enfants, dont les besoins de réunification familiale doivent être identifiés rapidement.

En 2020-2021, il y a eu des difficultés pour mettre en place ces opérations de relocalisation du fait de la pandémie. Mais malgré ce long blocage, des solutions ont été trouvées par des Etats pour gérer à la fois la santé publique et l'obligation internationale d'accueillir des réfugiés. Le temps est venu d'avancer à nouveau sur cette question de l'accueil.

Q: que changerait la mise en place d'un tel mécanisme de répartition ?

R: s'il y avait eu ce mécanisme, un tel blocage n'aurait pas eu lieu. Avec un mécanisme prévisible, on répond aussi au besoin de renforcer les capacités de recherche et de sauvetage en Méditerranée, où les drames continuent, car la solidarité commence en amont de l'arrivée des personnes en Europe.

Elle commence par le fait de sauver des vies, et de débarquer ces personnes dans un port sûr.

Cela permettrait aussi un débarquement plus rapide, en évitant des situations de blocage en mer, parfois pendant des semaines.

Et enfin un partage de la solidarité avec les pays où arrivent les réfugiés, avec des procédures pour déterminer leur besoin de protection et leur relocalisation. C'est ce que prévoit le pacte européen sur l'asile et l'immigration, qui a été présenté par la Commission européenne.

Q: cela signifie-t-il que le système temporaire actuel, né de l'accord de La Valette en 2019, ne permet pas de gérer les flux migratoires en Méditerranée ?

R: les accords de La Valette, c'est un début. Mais c'est insuffisant. C'est pour ça qu'il y a urgence à mettre en place ce mécanisme pérenne, pour éviter ces discussions bateau par bateau qui ne sont acceptables pour personne.

Ces discussions, très longues, peuvent donner l'impression que la situation est ingérable, alors qu'elle est tout à fait gérable. Si on regarde la Méditerranée centrale (la route migratoire maritime la plus meurtrière du monde, qui relie notamment la Libye à l'Italie ou Malte, ndlr), l'an dernier, ce sont moins de 50.000 personnes qui arrivent.

C'est totalement gérable au regard de la population européenne et au vu du nombre de personnes déracinées dans le monde, qui a atteint 82 millions de personnes."

Propos recueillis par Shahzad ABDUL

sha/pa/mpm