L'essayiste Corinne Morel Darleux, auteur de "Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce. Réflexions sur l'effondrement" (Libertalia, 2019), évoque la genèse du réseau Covid-entraide qui promeut une action immédiate en faveur d'une "autre manière de vivre ensemble".
Question : Comment est né le réseau Covid-entraide ?
Réponse : "Le 21 mars, 200 personnalités (dont la sociologue Dominique Méda, le philosophe Dominique Bourg ou l'ancien ministre Yves Cochet, ndlr) ont signé un appel non pas à réfléchir au monde d'après de manière programmatique, comme il y en a eu beaucoup, mais à faire et à agir de manière immédiate par des actions d'entraide et d'auto-organisation.
Il y a tout un tas d'outils pratiques disponibles sur covid-entraide.fr: une cartographie des groupes locaux, des canaux de discussion, des kits pour savoir comment créer un groupe local, comment organiser des distributions de masques, faire les courses pour des personnes vulnérables avec toutes les précautions sanitaires à prendre, des conseils de nature plus juridique (comment exercer son droit de retrait en tant que travailleur, par exemple).
On en est aujourd'hui à 640 groupes recensés, dont une grosse cinquantaine sont actifs de manière intense. Entre les pages Facebook et les fils Telegram, on a 100.000 abonnés."
Q : Quelles sont les actions les plus emblématiques ?
R : "Des groupes locaux ont remué ciel et terre pour pouvoir fournir des ordinateurs à des gamins pour qu'ils continuent à suivre les cours pendant le confinement, pour faire les courses des personnes vulnérables, pour créer des cantines autogérées destinées aux plus précaires, pour fabriquer des masques en tissu.
Il y a une deuxième catégorie d'actions moins dans l'urgence immédiate mais plus dans le long terme, autour des questions de l'autonomie alimentaire, du soutien aux producteurs locaux, aux circuits courts."
Q : Quelle suite donner à ces initiatives ?
R : "On ne s'est jamais conçu comme un réseau d'urgence humanitaire. L'objectif est de penser un autre mode d'existence, de développer cette culture de l'entraide par le faire, par l'auto-organisation.
Ca a vocation à durer dans le temps. L'initiative va se poursuivre au côté d'autres actions qui existent, notamment autour de l'appel des soignants +Bas les masques!+, ou de la +Carte des colères au travail+ qui recense les endroits où les travailleurs ont exercé leur droit de retrait.
L'idée est de faciliter la mise en réseau de ce qui existe déjà, +d'archipéliser+ tous ces îlots de résistance et d'alternatives pour montrer que c'est possible dès maintenant de faire changer les choses et d'inventer d'autres manières de vivre ensemble, sans attendre 2022."
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