Revoir totalement l'impôt sur les successions, instaurer une retraite par points et une tarification ambitieuse du carbone: la commission internationale d'économistes fait trois propositions phares pour relever les défis économiques en France.
Imposer les héritiers, pas les donateurs
Les Français acceptent très mal les droits de succession car ils veulent pouvoir transmettre leur patrimoine à leurs enfants sans être imposés, tout en considérant que "l'inégalité des chances à la naissance en raison de dotations différentes constitue une injustice", rappelle leur rapport.
En conséquence, "la logique d'égalité des chances implique de s'intéresser, non pas à ceux qui donnent, mais à ceux qui reçoivent, en retenant comme base imposable le montant total reçu par le bénéficiaire", avec un niveau d'abattement élevé.
La solution proposée: "On prend la totalité des donations, des héritages toutes sources confondues reçus par une personne et on a une taxe progressive là-dessus", explique l'économiste Stéfanie Stantcheva (université de Harvard).
Aujourd'hui, les droits de succession frappent surtout le donateur, qui peut faire des dons défiscalisés tous les 15 ans, ce qui avantage les mieux informés et les plus riches. En outre, le système comporte beaucoup d'exonérations, notamment sur l'assurance-vie et les transmissions d'entreprises familiales.
Les recettes des droits de succession pourraient financer des investissements accrus dans la petite enfance et l'éducation, propose le rapport.
Une retraite à points
La commission estime "inévitable" de réformer le système français de retraites, notamment en retardant l'âge de départ, le plus bas des pays de l'OCDE.
Partant du constat que le ratio démographique entre les retraités et les actifs va augmenter de 36% au cours des 20 ans à venir, les économistes Axel Börsch-Supan (Allemagne) et Carol Propper (Royaume-Uni), et la sociologue Claudia Diehl (Allemagne) estiment que "de manière inévitable, le travailleur français lambda devra retarder son départ à la retraite".
Le système actuel de retraites est "perçu comme injuste, très complexe, voire incompréhensible pour la plupart des gens", estime M. Börsch-Supan.
Le projet de système universel par points, présenté en 2019 par le gouvernement, peut constituer une "excellente base de départ", mais en veillant à "protéger les plus vulnérables", c'est-à-dire les plus pauvres, les personnes en mauvaise santé et les travailleurs aux métiers pénibles.
Les spécialistes proposent d'établir un lien "simple et transparent" entre revenus et points cotisés, afin de dépasser la défiance autour de la valeur d'acquisition du point.
Enfin, ce projet devra nécessairement s'accompagner d'une réforme du marché du travail, pour encourager l'emploi des seniors, et mieux intégrer les travailleurs issus de l'immigration. Mais aussi d'une réforme du système de santé, pour mieux soutenir les travailleurs affectés par des maladies chroniques.
Un renforcement du marché carbone européen
Une tarification du carbone ambitieuse est "indispensable" juge le rapport, qui défend une approche européenne du sujet.
Il faut un prix du carbone "universel", qui "incite tous les agents économiques à faire des efforts, notamment ceux qui ont la capacité de faire des innovations", insiste l'économiste Christian Gollier (Toulouse school of economics), corapporteur de la partie du rapport consacrée au changement climatique.
Le fait d'instaurer un prix du carbone assure "le meilleur compromis entre la +fin de mois+ et la +fin du monde+, une condition clé pour l'acceptabilité sociale", à condition de mettre en place une politique de redistribution pour compenser les impacts négatifs sur les populations les plus modestes.
Plutôt qu'une taxe, les experts proposent un renforcement du système européen de marché des quotas carbone, en y incluant notamment les secteurs aujourd'hui exclus, comme le logement et les transports, et en prévoyant un "prix plancher" et un "prix plafond" qui augmenteraient progressivement de 5% par an.
Une autre option serait de créer "une banque centrale du carbone indépendante" au niveau européen, qui aurait pour mandat de fixer la trajectoire de prix du carbone pour atteindre dans la durée les objectifs climatiques, proposent-ils.