Les "ruptures" de la vie exposent davantage les femmes au mal-logement

Séparation, violences conjugales, héritage, veuvage: ces "moments de rupture" qu'une femme est susceptible de rencontrer dans sa vie, les rendent particulièrement vulnérables au risque du mal-logement, selon un rapport publié mardi soir par la Fondation Abbé Pierre.

L'ONG consacre la moitié de son 28e rapport annuel au "genre du mal-logement", un facteur "qui n'a pas été assez mis en avant" et qu'elle étudie spécifiquement pour la première fois, a expliqué son directeur des études Manuel Domergue lors d'une conférence de presse.

Pour la Fondation Abbé Pierre, il existe "quatre moments clés de la vie d'une femme", "des moments potentiellement de rupture" qui alimentent les inégalités avec les hommes en matière de mal-logement.

D'abord, lorsqu'elles quittent le domicile parental en cas de violences sexuelles intrafamiliales, les femmes sont davantage susceptibles de se retrouver à la rue.

"Parmi les sans domicile, 36% des femmes et 19% des hommes ont connu des violences sexuelles avant 18 ans", selon M. Domergue.

C'est aussi le cas des jeunes LGBT+, qui après un coming out, peuvent quitter leur famille sur un conflit.

La séparation peut constituer aussi un tournant dangereux pour les femmes avec un risque de "choc financier" provoquant un "moment de déclassement résidentiel", selon le rapport.

Les femmes perdent 15% de niveau de vie, quand les hommes en gagnent 4%. L'homme garde plus souvent le domicile, dans 43% des cas, contre 32% pour les femmes, avance le document.

- La pauvreté des veuves -

Et les mères célibataires, dont un tiers sont pauvres, vivent souvent dans des logements précaires et sous-dimensionnés: 40% des mamans seules avec un enfant et 59% des mères d'au moins trois enfants subissent de mauvaises conditions de logement, contre 20% de la population générale, affirme la Fondation Abbé Pierre.

Celle-ci pointe aussi la double peine des victimes de violences conjugales obligées de quitter en urgence le domicile et qui se retrouvent parfois dans des hébergements d'urgence.

"Il faudrait 10.000 à 15.000 places dédiées dans les années qui viennent, en plus des 10.000 existantes", plaide Manuel Domergue.

Il souligne cependant un "progrès", avec 12.000 attributions de logement social pour violences conjugales en 2021, en hausse de 40% sur 4 ans.

Lorsqu'elles perdent leur mari, certaines femmes voient leur niveau de vie chuter: "Les femmes vieillissent plus pauvres et plus seules que les hommes d'une même génération", note le rapport qui précise que 12% des veuves sont pauvres contre 4% des veufs. Beaucoup ne touchent pas de pension de réversion.

Avec leurs pensions de retraite inférieures de 40% à celles des hommes, elles ont parfois des difficultés à entretenir seule le logement, à "payer les charges, les taxes foncières, le loyer", qu'elles soient propriétaires ou locataires.

Selon la Fondation Abbé Pierre, 10% des femmes sont sans abri, mais le chiffre peut être sous-estimé car elles sont "invisibles". En effet, exposées aux violences sexuelles et sexistes, elles vont moins dans les accueils de jour, des "espaces dominés par les hommes avec des risques de violences", relève la Fondation qui invite à "poser la question de la mixité dans les structures d'hébergement".

L'ONG cite le cas d'une femme à la rue qui a décidé de se raser la tête "pour gommer les signes de féminité qui pourraient l'exposer à des violences".

Inégalités de revenus et de patrimoine sont à l'origine de cette plus forte vulnérabilité des femmes. Elles "héritent moins des biens structurants - entreprises et logements - que leurs frères, car elles sont vues comme des héritières moins fiables pour faire perdurer le patrimoine familial", note encore le rapport.

La Fondation Abbé Pierre préconise d'augmenter les minimas sociaux, dont dépendent davantage les femmes, et de s'attaquer aux "inégalités de genre dans la société": "partage des tâches domestiques, inégalités de salaires et de pensions de retraite qui ont des répercussions sur le logement".

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