Du manque d'ambition en matière de finances publiques au processus inabouti de la décentralisation en passant par les "délais excessifs" de l'aide sociale à l'enfance, la Cour des comptes décerne de nombreux mauvais points aux politiques publiques dans son rapport annuel remis jeudi.
Voici les principaux points identifiés par les magistrats financiers tout au long des 572 pages du volumineux document.
Finances publiques dégradées
La Cour des comptes exhorte le gouvernement à engager un "redressement résolu" des finances publiques mises à mal par la crise énergétique, étrillant une trajectoire "peu ambitieuse" de réduction de la dette.
Elle note que les soutiens massifs à l'économie et aux ménages, d'abord durant la crise sanitaire puis face à l'envolée des prix de l'énergie, ont entraîné un déficit et une dette publics "toujours très élevés".
Avec un déficit public à 5% du PIB et une dette publique supérieure à 111%, "la situation des finances publiques de la France restera ainsi en 2023 parmi les plus dégradées de la zone euro", loin des objectifs fixés par les autorités européennes, tacle-t-elle.
Or, la trajectoire pour réduire déficit et dette d'ici à 2027, fixée dans un projet de loi de programmation des finances publiques rejeté par le Parlement, est "peu ambitieuse", déplore la Cour.
Décentralisation inachevée
Quarante ans après les premières lois visant à rapprocher la décision politique du citoyen en transférant des compétences de l'Etat aux collectivités, la décentralisation reste inachevée, estime la Cour des comptes qui plaide pour une relance du processus.
La décentralisation a pour ambition de "renforcer la démocratie locale par l'élection d'assemblées délibérantes", de rapprocher la décision politique du citoyen en mettant fin "au droit exclusif de l'Etat central de déterminer seul l'avenir (...) des populations locales" et d'améliorer l'efficacité de la gestion publique, rappelle le rapport.
Mais sur le terrain, les magistrats dressent le constat d'un pays "encore marqué par une forte tradition centralisatrice" avec un Etat qui "peine à se départir de ses compétences transférées".
Politique de l'eau complexe
La Cour des comptes critique la politique de l'eau en France, organisée de manière complexe entre de nombreux acteurs dont le périmètre est découpé pour certains selon une logique de géographie (bassins hydrographiques) et pour d'autres selon une logique purement administrative (régions, départements...).
L'action publique est ensuite "affaiblie par son manque de cohérence", avec des ministères qui poursuivent des priorités différentes, note-t-elle en demande de "clarifier" cette politique en collant davantage à la géographie de l'eau.
Constructions de collèges inégales
La Cour des comptes déplore la "persistance d'inégalités fortes" entre départements concernant la construction, la rénovation et l'entretien des collèges.
Certains départements "disposent en effet de marges de manoeuvre plus étroites, en raison de capacités financières plus faibles et d'une dynamique démographique" plus forte, souligne-t-elle.
Elle appelle à améliorer la gestion pour "une plus grande prise en compte" des différences de situations.
Délais trop longs dans le social
La Cour des compte critique des "délais excessifs" dans la prise en charge des allocataires du RSA ou des enfants en danger, alors que la rapidité d'action en détermine l'efficacité.
Pour les bénéficiaires du RSA, "le délai moyen qui s'écoule entre l'accès à l'allocation et le début du parcours d'insertion atteint près de cinq mois", constate la Cour.
Pour l'aide sociale à l'enfance, "28% des départements ne respectent pas le délai de trois mois" de traitement des +informations préoccupantes+ (lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur sont en danger).
Subventions aux festivals mieux conditionnées
L'Etat doit conditionner davantage ses aides aux festivals à l'exigence de la démocratisation culturelle et faire prévaloir la bonne gouvernance, insiste la Cour.
Le nombre de festivals a explosé sur le territoire, quadruplant en 20 ans, avec 7.282 festivals en 2021, bien au-delà des pays voisins. Seuls 8% sont subventionnés par l'Etat.
Les subventions de l'Etat aux festivals de spectacle vivant ont atteint 40,9 millions d'euros, avec des aides très concentrées: les festivals à renommée internationale d'Aix-en-Provence et Avignon ont, à eux seuls, bénéficié de plus du quart du financement du ministère de la Culture.