Les médias "institutionnels" risquent de se couper du débat public (étude)

Contrairement aux Etats-Unis où les médias se sont polarisés ces dernières années à gauche et à droite de l'échiquier politique, en France, la division s'opère davantage entre médias "anti-élites" et "institutionnels", au risque pour ces derniers de se déconnecter du débat public, souligne une étude de l'Institut Montaigne jeudi.

Cette vaste étude, réalisée en partenariat avec le Medialab de Sciences-Po et le Center for Civic Media du MIT, a analysé les liens que les différents médias français entretiennent entre eux, sur les sujets qu'ils privilégient et sur la façon dont les nouvelles sont partagées sur les réseaux sociaux.

Il en ressort que l'espace médiatique français est structuré autour d'un "coeur" central composé des principaux quotidiens, sites internet, chaînes de radio et télévision, à côté duquel gravitent de nouveaux médias "politisés" (par exemple Les Crises, Egalité et Réconciliation, Fdesouche, Sputnik, etc.) qui se réfèrent aux médias traditionnels mais ne sont quasiment jamais cités par eux.

Ces nouveaux médias jouissent d'une audience importante et d'une grande visibilité sur les réseaux sociaux, souligne l'étude qui remarque notamment que la chaîne russe RT France a généré des schémas de conversation similaires à ceux des médias traditionnels, "une réussite importante pour un média si jeune et un avertissement pour les acteurs traditionnels" qui risquent une "fossilisation". A savoir une perte de leur capacité à influencer le débat public, car ils sont ignorés par les autres médias, souligne l'étude.

Par exemple, l'arrivée du site d'informations d'extrême droite Breitbart aux Etats-Unis a incité les médias de droite comme Fox News à durcir le ton et privé des journaux comme le New York Times et le Wall Street Journal d'une partie de leur audience, et réduit leur poids dans le débat public à droite de l'échiquier politique.

En France, se sont développés en parallèle "un agenda conversationnel qui a lieu sur les réseaux sociaux et un agenda informationnel qui a lieu dans un paysage médiatique, qui reste assez cohérent puisque les médias se renvoient les uns aux autres", note Bruno Patino, directeur de l'école de journalisme de Sciences-Po et co-président du rapport, cité sur le site de l'Institut Montaigne.

Il souligne que le risque est que "l'espace informationnel" soit "de moins en moins universel dans les sujets qu'il peut toucher ou dans les gens qu'il peut impacter".

L'étude se penche notamment sur la couverture du mouvement des "gilets jaunes", et montre que les médias "du coeur" se sont principalement préoccupés des conséquences du mouvement social pour le gouvernement, les partis politiques, et le maintien de l'ordre alors que la question des valeurs et des demandes des manifestants a été traitée en priorité par les autres médias.

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