Les indigènes, premier rempart de l'Amazonie, selon un de leurs dirigeants

La protection de l'Amazonie, plus grande forêt tropicale au monde, repose essentiellement sur les peuples autochtones, assure Olímpio Guajajara, un des chefs des "Gardiens de la forêt", groupe d'indigènes brésiliens, qui espère la défaite du président Jair Bolsonaro à l'élection d'octobre.

"Si nous ne crions pas, personne ne dit rien" face à "la violation des droits de notre peuple", a déclaré Olímpio Guajajara dans un entretien à l'AFP à Paris, dernière étape d'une tournée européenne de plus d'un mois, soutenue par l'ONG Survival International, qui l'a également conduit au Royaume-Uni et en Allemagne.

Il est un des dirigeants des Gardiens de la forêt, un groupe d'une centaine d'Indiens Guajajara qui organise depuis 2012 des patrouilles pour empêcher l'intrusion illégale de bûcherons ou d'orpailleurs sur la terre indigène d'Arariboia dans l'Etat de Maranhão (nord-est).

Olímpio Guajajara explique avoir rencontré des parlementaires et des diplomates pour demander aux pays européens de "faire pression sur le gouvernement brésilien au sujet de la déforestation de l'Amazonie et des meurtres d'indigènes".

En dix ans de lutte, six Gardiens de la forêt ont été tués, indique-t-il.

Parmi eux, Paulo Paulino Guajajara, victime d'une embuscade tendue par des trafiquants de bois en novembre 2019, dont les meurtriers présumés doivent être jugés prochainement, une exception à l'impunité habituelle, due en partie à la "pression internationale", selon le dirigeant indigène.

"La justice brésilienne est aveugle, sourde et muette en ce qui concerne les autres morts survenues sur le territoire d'Arariboia", affirme-t-il.

Dans son rapport annuel pour 2021, le Conseil missionnaire indien (Cimi), lié à la Conférence épiscopale du Brésil, recense 176 meurtres d'indigènes, ainsi que 305 invasions de terres indigènes dans 22 des 26 Etats du pays.

- "Totalement envahi" -

Lors de la création des Gardiens de la forêt il y a dix ans, leur territoire "était totalement envahi", avec 72 routes ouvertes par des bûcherons pour exploiter cette partie de l'Amazonie, raconte Olímpio Guajajara.

"Maintenant, il n'y a plus que cinq intrusions", affirme-t-il, promettant d'éliminer les dernières avec ses compagnons d'ici la fin de l'année, après l'élection présidentielle d'octobre.

A ce propos, il exprime entretenir "un peu d'espoir" en cas de victoire de l'ancien président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), qui promet de mieux préserver l'Amazonie.

Son adversaire, le sortant Bolsonaro, a promu l'activité minière et agricole dans les zones protégées. Sous son mandat de quatre ans, la déforestation moyenne annuelle en Amazonie brésilienne a augmenté de 75% par rapport à la décennie précédente.

Mais c'est Lula qui avait officiellement lancé en 2010 les travaux du barrage de Belo Monte, projet pharaonique controversé dans l'Etat voisin du Pará, au grand dam des défenseurs de l'environnement et des indigènes, rappelle Olímpio Guajajara.

"Bien souvent, les hommes politiques promettent le ciel à tous les Brésiliens, mais une fois qu'ils ont gagné, ils oublient leur électorat. J'espère que cela n'arrivera pas cette fois", confie-t-il.

Car le changement climatique est devenu une réalité perceptible sur son territoire, souligne-t-il: il n'y pleut plus que quatre mois sur douze, contre dix mois dans les années 1980.

"Nos récoltes se meurent, le riz, le mil, le manioc, parce que la terre est trop sèche", déplore le dirigeant indigène.

Il appelle chacun à contribuer à la lutte, y compris les multinationales implantées au Brésil, qui peuvent aider "aux opérations de reboisement".

De leur côté, les Gardiens de la forêt continueront à préserver la biodiversité, comme l'ensemble des peuples autochtones, cités en exemple en juillet pour la gestion des espèces sauvages dans un rapport des experts biodiversité de l'ONU, l'IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques).

Mais ils ont besoin de toute l'aide disponible, notamment une formation pour piloter des drones de surveillance du territoire d'Arariboia, comme l'a réclamé Olímpio Guajajara lors de sa tournée européenne.

"Nous faisons déjà notre part, au prix du sang", déclare-t-il. Avec ou sans soutien".

Poster un commentaire
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.
Déjà membre ? Je me connecte.
Je ne suis pas encore membre, Je crée mon compte.