Les "gilets jaunes" ciblent toujours mardi autoroutes et dépôts pétroliers que les forces de l'ordre s'emploient à débloquer, au quatrième jour d'un mouvement accusé par le gouvernement de "dérive".
"On a une dérive totale d'une manifestation qui pour l'essentiel était bon enfant samedi", a déclaré mardi sur France 2 le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, pointant une "radicalisation" et "un très très grand nombre de blessés".
Son collègue à l'Économie Bruno Le Maire a lui aussi dénoncé "un certain nombre de dérives dans ces manifestations, homophobes, racistes", avec "de la violence". Il a également évoqué "une déchirure territoriale", assurant que "la vraie réponse (était) l'emploi pour tous" et non de baisser le prix des carburants "d'un ou deux centimes".
À Langueux (Côtes-d'Armor), les forces de l'ordre sont intervenues dans la nuit pour déloger d'un centre commercial "des hommes qui avaient des barres de fer et des cocktails molotov", a indiqué M. Castaner.
En Haute-Savoie, un pneu enflammé a été posé contre une pompe à essence d'une station-service, mais l'incendie a été rapidement maîtrisé, selon la gendarmerie.
Depuis le début samedi de cette mobilisation contre la hausse des prix du carburant, les manifestations ont fait un mort, quelque 530 blessés, dont 17 graves.
Lundi, environ 27.000 personnes avaient participé à ce mouvement qui se veut apolitique et asyndical, selon le comptage du ministère de l'Intérieur. Elles étaient 290.000 samedi.
Voulant afficher leur fermeté, les autorités ont appelé les manifestants à respecter la liberté de circulation et prévenu que les forces de l'ordre allaient débloquer "méthodiquement" les dépôts pétroliers et les sites sensibles.
Deux dépôts de carburants ont été débloqués lundi soir et "d'autres le seront ce matin", a indiqué le ministre de l'Intérieur.
Ainsi, les dépôts de Lucciana (Haute-Corse), Frontignan (Hérault), Cournon d'Auvergne (Puy-de-Dôme) et Vern-sur-Seiche (Ille-et-Vilaine) ont été débloqués dans la matinée. Les accès aux dépôts de Lespinasse (Haute-Garonne), de Fos-sur-Mer et Lavera (Bouches-du-Rhône) étaient eux sur le point d'être libérés par les CRS, selon les journalistes de l'AFP.
Plusieurs barrages sur des axes routiers ont également été évacués, notamment à Caen où les forces de l'ordre ont eu recours à des gaz lacrymogènes, dans la ville voisine de Lisieux (Calvados), où une centaine de camions étaient bloqués, et sur l'A16 à Calais.
- "Tendance à l'amélioration" -
D'autres barrages, bloquants ou filtrants, et des opérations escargots persistent néanmoins partout en France à proximité des péages, des échangeurs autoroutiers et sur des ronds-points.
"La tendance est à l'amélioration même si plusieurs points de perturbations subsistent ou pourraient réapparaître sur le réseau Vinci Autoroutes", a indiqué l'opérateur dans un point de situation à 8H00, relevant des "mouvements et blocages" sur plusieurs axes autoroutiers (A7, A8, A9...).
L'A10 était notamment bloquée au nord de Bordeaux, où le péage de Virsac était toujours occupé par des gilets jaunes.
Dans le Nord, une vingtaine de poids lourds sont à l'arrêt sur l'A25, selon la préfecture.
En Auvergne-Rhône-Alpes, des barrages continuent de perturber la circulation à Brioude (Haute-Loire) où les poids lourds sont bloqués, et sur un rond-point d'accès à l'A7 à Montélimar (Drôme).
Un homme de 32 ans a été condamné lundi à Strasbourg à quatre mois de prison ferme pour mise en danger de la vie d'autrui et entrave à la circulation. Samedi, il avait formé une chaîne humaine sur l'autoroute et traversé un terre-plein central avec quatre autres personnes.
Le tribunal correctionnel de Grasse (Alpes-Maritimes) a, lui, condamné à six mois avec sursis un automobiliste de 41 ans qui avait renversé un policier en forçant un barrage de gilets jaunes.
La grogne pourrait se poursuivre dans les prochains jours: des appels à bloquer Paris samedi commencent à fleurir sur les réseaux sociaux, appelant parfois à un "Acte 2" du mouvement.
Le mouvement, lancé sur les réseaux sociaux et qui n'a pas de leader connu, est soutenu par près des trois quarts des Français, selon plusieurs sondages. D'abord concentrés sur la hausse du prix des carburants, les motifs de griefs se sont ensuite élargis à une dénonciation plus globale en matière de taxation et de baisse du pouvoir d'achat.
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