Les "gilets jaunes" contraignent Macron à un premier renoncement

Elu sur sa promesse de transformer la France avec détermination, puis accusé d'entêtement, Emmanuel Macron concède un premier recul important avec le moratoire annoncé mardi, mais l'Elysée récuse tout renoncement aux réformes.

Trois semaines après le début de la mobilisation des "gilets jaunes", le gouvernement a "bougé" pour tenter de sortir d'une crise qui menace de s'aggraver encore.

Il y a quelques jours encore, il n'était toutefois pas question de revenir sur la hausse prévue des taxes sur les carburants, cible de toutes les revendications des manifestants.

"Garder le cap" était le leitmotiv répété sur tous les tons par les responsables de la majorité, à l'instar de Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement. "On a dit que nous ne changerions pas de cap. Parce que le cap est le bon", déclarait-il dimanche, au lendemain de la flambée de violences dans Paris.

Changement de ton mardi, avec les suspensions de taxes annoncées par le Premier ministre Edouard Philippe. "Il y avait besoin d'un +bougé+, certains diront même un recul", concède un conseiller de l'exécutif.

Elles ne constituent pour autant "pas un renoncement", affirme Stanislas Guerini, le nouveau patron de La République en marche.

"On ne recule pas, on fait un pas de côté", explique-t-on à l'Elysée. L'objectif est d'ajuster "les moyens" mis en oeuvre pour la transition écologique car "ceux-ci ne semblent pas correspondre à ce que souhaitent les Français", ajoute-on à la présidence.

A Buenos Aires où il participait au G20, Emmanuel Macron avait ouvert la voie à cette évolution en indiquant qu'il y aurait "des décisions supplémentaires dans les semaines et les mois à venir" mais qui "ne seront jamais des reculs".

Le président joue la crédibilité de sa stratégie politique, basée sur l'application méthodique des promesses de campagne durant la totalité du quinquennat.

- Fragilisé -

Il oppose cette détermination "sans faille" aux renoncements opérés par ses successeurs, en particulier François Hollande, lorsque ce dernier avait enterré en 2014 l'écotaxe après trois mois de fronde des "Bonnets rouges" en Bretagne. Ce recul avait contribué à renforcer son image de "président indécis".

A contrario, Edouard Philippe était jusqu'à présent comparé à son mentor Alain Juppé, qui s'était présenté comme étant "droit dans (s)es bottes" lorsqu'il était à Matignon en 1995.

S'affichant comme un réformateur inflexible, au risque d'apparaître intransigeant, Alain Juppé avait été contraint au recul sur sa réforme des retraites après plusieurs semaines de grève.

"L'actuel pouvoir semble considérer que si on négocie, on s'affaiblit", regrette l'ancien Premier ministre socialiste, Bernard Cazeneuve, dans Le Monde. "Et que tenir avec autoritarisme, c'est triompher des résistances au changement. Tout cela n'a rien de moderne", selon lui.

Depuis le début du quinquennat, le gouvernement avait réussi à gérer deux mouvements sociaux, celui sur la loi travail à l'automne 2017 puis autour de la réforme de la SNCF au printemps dernier, qu'il a finalement fait adopter malgré plusieurs semaines de grèves.

Mais, par crainte de troubles sur les routes, il a récemment décidé de repousser le projet d'une vignette poids lourds, qui n'a pas été inclus dans la loi d'orientation sur les mobilités (LOM).

Et l'été dernier, l'exécutif a dû reporter l'examen par les députés de la réforme constitutionnelle à cause du tollé politique provoqué par l'affaire Benalla.

"Mais, après la crise actuelle, quelle sera notre marge de manoeuvre pour faire passer les prochaines réformes?", s'interroge un conseiller. Notamment celle, potentiellement explosive, des retraites, que le gouvernement veut boucler d'ici la mi-2019.

"Les opposants savent désormais qu'ils auront la possibilité de faire reculer le gouvernement", craint aussi un député LREM. Tout en espérant que cet "échec" puisse être "bénéfique pour Emmanuel Macron dans sa formation en tant qu'homme politique".

A condition qu'il réussisse à se faire de nouveau entendre par les Français, de plus en plus nombreux à le rejeter dans les sondages. Il perd encore six points, à 23%, soit son plus faible niveau depuis son élection, selon un sondage Ifop-Fiducial publié mardi.