Les éleveurs français inquiets du remodelage des aides européennes

Toulouse paralysée, manifestations dans les Deux-Sèvres, le Lot-et-Garonne, à Montauban... depuis la mi-janvier, les éleveurs du grand Sud-Ouest de la France manifestent leur colère à l'approche de la mise en application d'une réforme des aides européennes qui pourrait priver certains d'entre eux de la moitié de leurs revenus.

Depuis la fin des années 1970, les agriculteurs vivant dans des communes défavorisées par certaines caractéristiques du territoire (forte pente, climat, mauvaise productivité) mais aussi certains critères socio-économiques (poids de l'emploi, risque d'exode rural etc.) touchent une aide appelée "indemnité compensatoire de handicaps naturels" (ICHN), versée à 25% par l'Etat et à 75% par le Feader (Fonds européen agricole de développement rural), selon la documentation du ministère français de l'Agriculture.

Mais depuis 40 ans, le monde rural a évolué et l'UE a souhaité que les Etats revoient -et harmonisent- leurs cartes délimitant ces "Zones défavorisées simples" (ZDS), dont les aides bénéficient quasi-exclusivement aux éleveurs.

La modification de la carte des ZDS est un serpent de mer qui agite le monde rural depuis plusieurs années mais les choses se sont accélérées ces dernières semaines parce que le ministère de l'Agriculture a présenté le 20 décembre aux organisations syndicales une nouvelle carte, dont il doit publier la version définitive le 15 février.

Plusieurs départements qui bénéficiaient de cette aide sont plus ou moins rayés de cette carte, dont l'AFP a obtenu copie : Landes, Gironde, Lot-et-Garonne, Tarn-et-Garonne, et surtout Deux-Sèvres et plus au nord l'Indre-et-Loire. Au Sud-Est: le Var.

"Le grand Sud-Ouest est la zone la plus impactée par l'exclusion des communes", résume Bertrand Dumas, chargé de mission à la Chambre d'agriculture de Nouvelle- Aquitaine.

Selon Philippe Moinard, président de la FNSEA de cette région, "quelque 3.500 éleveurs en France vont sortir des ZDS, dont 2.000 en Nouvelle-Aquitaine".

Les raisons ? l'évolution du monde rural depuis les années 70 bien sûr mais aussi le fait que les critères socio-économiques ne sont plus retenus, au profit des seuls critères agricoles (production brute, nombre d'animaux à l'hectare...).

Dans les Deux-Sèvres, un millier d'éleveurs répartis dans 200 communes verraient disparaître une aide d'un montant annuel total de neuf millions d'euros, qui représente souvent la moitié de leurs revenus, selon M. Moinard.

L'heure leur paraît si grave qu'à Parthenay, la semaine dernière, élus mais aussi syndicats de tous bords (de la FNSEA à la Confédération paysanne) ont manifesté côte à côte.

Le 25 janvier, lors de la présentation de ses voeux au monde agricole, le président Emmanuel Macron a promis des mesures d'accompagnement et un délai de sortie de deux à trois ans pour ceux qui seront exclus de cette aide.

Mais les syndicats agricoles sont déterminés et reprochent notamment au nouveau zonage de se baser sur un recensement de 2010 (alors que depuis le prix du bétail a chuté), d'avoir supprimé les critères socio-économiques et de procéder par effet de seuil (on est éligible à l'aide ou pas du tout).

Ironie, relève M. Moinard, les politiques qui ont privilégié l'installation de jeunes agriculteurs ayant intensifié leur exploitation sont pénalisées alors que ceux qui ont laissé filer de grands élevages extensifs vont continuer de recevoir l'aide.

"L'idéal aurait été d'attendre la réforme de la PAC" (Politique agricole commune), regrette-t-il.

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