Souffrant d'être ramenés à leur affinité avec l'électorat urbain, les écologistes d'EELV veulent s'implanter dans les campagnes, où leurs solutions radicales alimentent "l'écolo-bashing".
Leur patronne Marine Tondelier rejette toute "rupture avec la ruralité". Et contre-attaque en annonçant mardi le lancement d'"universités des ruralités écologistes", qui se tiendront en octobre à Die (Drôme). Le rendez-vous sera annuel.
L'élue a récemment tâté de cette "colère" du milieu rural vis-à-vis des citadins, en Lot-et-Garonne et dans l'Aude.
Elle y a été interpellée, admonestée, insultée et empêchée, la première fois par le président de la chambre d'agriculture, la deuxième fois par des syndicalistes de la "Coordination rurale". Ils reprochent aux Verts un "agri-bashing" dans leur défense d'un modèle alternatif à l'agriculture intensive.
Le défi à long terme s'annonce difficile pour les écologistes: de nombreuses zones rurales sont historiquement attachées à la droite, et plus récemment à l'extrême droite.
"Bien sûr nous avons des élus ruraux, mais depuis José Bové l'écologie rurale n'a plus d'incarnation", explique Marie Pochon, députée d'une circonscription rurale drômoise comptant 240 villages.
Marine Tondelier témoigne: "Quand je me suis engagée chez les écologistes, mon grand-père agriculteur m'a dit +Qu'est-ce que je t'ai fait?+. Mais il est venu à l'écologie quand son frère est décédé d'un cancer de la prostate" à cause de son exposition aux pesticides.
Il faut "montrer que l'écologie rurale existe", estime Marie Pochon, pour qui "les écolos doivent changer" et s'adresser davantage aux campagnes.
Davantage dans le ton et la méthode que sur le fond, puisque les écologistes n'en démordent pas: en défendant l'environnement, ils restent les meilleurs alliés des territoires ruraux.
"La politique écolo c'est de faire sortir de la pauvreté le tiers des agriculteurs qui vivent avec moins de 350 euros par mois" et de "redonner de l'attractivité aux territoires avec le retour des services de proximité et l'aide à l'installation agricole", souligne-t-il.
- Pas de "déclaration d'amour" -
EELV milite en faveur d'une agriculture paysanne bio qui ne repose pas sur l'efficience industrielle mais sur "un million d'agriculteurs en 2050", avec des prix pour le consommateur que le parti assume plus élevés.
Bref, "l'agri-bashing n'existe pas", assure Benoît Biteau. Simplement, il n'y aura pas "de déclaration d'amour à l'emporte-pièces", prévient Marine Tondelier.
Mais dans la rhétorique actuelle, Guillaume Hédouin, conseiller régional de Normandie et membre du groupe de travail "Ruralités" du parti, reconnaît que les "grandes bannières écologistes ont parfois du mal à s'incarner" à la campagne.
Par exemple, concernant l'un de leurs thèmes favoris, les énergies renouvelables, ces électeurs ne voient bien souvent que le caractère invasif des projets de parcs éoliens près de chez eux.
La faute à "une orchestration politique", dénonce Guillaume Hédouin. Il raconte: "Dans mon village, un projet éolien s'est très bien passé, parce que c'était accompagné. Dans le village d'à côté, un propriétaire de château très à droite a alerté une association elle aussi à droite, et on a vu l'opinion des citoyens changer".
Pour l'élu normand, malgré les nombreux différends "on arrive à se parler avec la FDSEA", le syndicat agricole majoritaire. "Là où on a un problème, c'est quand l'extrême droite noyaute des organisations".
Le pragmatisme peut payer, car "la ruralité n'appartient pas à un camp ou à un autre", pense aussi François Thiollet, membre du bureau exécutif d'EELV et conseiller municipal dans un petit village.
Autre front, et non des moindres, les écologistes sont en guerre ouverte avec les patrons des organisations de chasseurs qui ont retourné le stigmate en s'érigeant "premiers écolos de France".