Les députés ont adopté mercredi, en commission des Affaires économiques, un texte fixant des objectifs énergétiques pour la France amputé de son volet sur le nucléaire, faute de compromis trouvé sur une relance de l'atome.
Malgré son adoption, des députés de différents bords ont fait valoir que le texte ne correspondait pas à leur vision du futur énergétique pour le pays, et ont promis de le retravailler profondément lors de son examen dans l'hémicycle à partir du 16 juin.
Car c'est une version largement remaniée, voire "dénaturée" de la proposition de loi dite "Gremillet" venue du Sénat, qui a été adoptée.
Initialement, le texte sénatorial prévoyait une relance massive de la filière nucléaire, avec le maintien du parc existant et le développement de nouvelles capacités nucléaires, correspondant à la construction d'au moins 14 EPR d'ici 2050.
Et alors que seuls les Insoumis et les écologistes sont farouchement opposés à une relance de l'atome, la commission a rejeté l'article sur le nucléaire.
En effet, le Rassemblement national, pourtant partisan d'une relance radicale de la filière, a préféré voter contre.
"Je regrette que le bloc central se soit associé à la gauche alors que le RN aurait pu être un allié pour augmenter la puissance de notre parc", a déclaré le député d'extrême droite Maxime Amblard, disant espérer que "les signaux envoyés" seront "bien compris" d'ici la séance publique.
Le RN souhaite de nouvelles capacités correspondant à la construction d'une quarantaine d'EPR d'ici 2050.
De l'autre côté, le groupe socialiste a aussi reproché au rapporteur du texte, le député macroniste et ancien ministre Antoine Armand, un manque "d'ouverture et de compromis".
"Le rapporteur reste aligné sur la position de la droite sénatoriale, et semble davantage regarder du côté du Rassemblement national que celui des socialistes", a dénoncé auprès de l'AFP le député Karim Benbrahim.
Son groupe défend une relance qu'il estime "raisonnable" face au retard pris dans le développement des énergies renouvelables, avec la prolongation de la durée de vie des centrales existantes à 60 ans et de nouvelles capacités d'ici 2050 équivalant à la construction de 8 nouveaux EPR.
- "Sans queue ni tête" -
Ce texte est censé inspirer le décret fixant la feuille de route énergétique de la France, que le gouvernement doit publier d'ici la fin de l'été, comme l'avait déclaré fin avril François Bayrou.
Le Premier ministre avait consenti à l'inscrire à l'agenda de l'Assemblée nationale, après des menaces de censure de l'opposition, en premier lieu du Rassemblement national, dénonçant l'absence de vote sur des mesures qui engagent la France sur des dizaines d'années.
La version du texte adoptée en commission comprend par ailleurs d'autres victoires pour une partie de la gauche qui ulcèrent le bloc central. Comme par exemple, le rétablissement du statut d'EDF en un établissement public industriel et commercial ou encore le rétablissement des tarifs réglementés de vente de gaz.
Côté objectif, le texte prévoit de porter d'ici 2030, la part d'énergie décarbonée à 58% au moins de la consommation d'énergie en France alors que le pays doit se mettre sur la voie de la neutralité carbone en 2050, après adoption d'un amendement du rapporteur.
La gauche, de LFI aux socialistes, a déploré que ne soit pas fixé dans le texte la part des énergies renouvelables à atteindre. Elle aurait notamment souhaité un objectif de 40% d'énergies renouvelables dans la production d'électricité.
Cependant, des amendements fixant des objectifs pour la production d'électricité éolienne en mer (18 gigawatts à horizon 2035) et le développement de l'énergie hydrolienne (250 mégawatts en 2035, et au moins 5 gigawatts en 2050) ont été adoptés.
Ce texte "qui n'a plus ni queue, ni tête", selon les mots du député Liot Joël Bruneau, risque d'être à nouveau modifié lors de son examen dans l'hémicycle. La présidente du groupe LFI, Mathilde Panot, a obtenu mardi matin, qu'il puisse faire l'objet d'au moins 40 heures de débats.