Un mois après s'être engagées à limiter les frais bancaires pour les plus fragiles, les banques françaises sont à nouveau pointées du doigt sur ce terrain par deux associations qui dénoncent, enquête à l'appui, la persistance de pratiques jugées abusives.
Chose rare, ces accusations ont été jugées suffisamment sérieuses pour que le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, réagisse le jour-même par communiqué de presse.
"Ces révélations sont préoccupantes et méritent d'être tirées au clair. J'ai interrogé dès hier la fédération française bancaire afin de faire la lumière sur ces pratiques et saisirai dans les prochaines heures l'ACPR", l'autorité de supervision du secteur, a fait savoir M. Le Maire.
"Les banques doivent savoir que, si ces pratiques étaient avérées, elles seront sanctionnées et que des dispositions législatives seront adoptées dans les plus brefs délais", met en garde le ministre.
Ces déclarations interviennent après la présentation jeudi matin d'une étude réalisée par l'association 60 millions de consommateurs et l'Union nationale des associations familiales (Unaf), qui révèlent "la mise en place récente d'un système de facturation à l'encontre des clients qui connaissent des difficultés financières dans au moins deux grands réseaux bancaires français".
Dans le détail, les deux associations reprochent aux réseaux Caisse d'Epargne et Banque Populaire d'avoir adopté en novembre 2017 une nouvelle procédure de traitement des opérations sur comptes courants pénalisante pour les clients en difficulté.
"Dès lors que le compte termine la journée au-delà du découvert autorisé, toutes les opérations de cette journée font l'objet d'une commission de huit euros, y compris celles qui ont eu lieu lorsque le compte était créditeur", affirment les associations, sur la base de témoignages de clients mécontents mais également de conseillers bancaires dans les réseaux.
"Des pratiques similaires ont été constatées au Crédit Mutuel", ajoutent les deux associations, qui contestent la légalité de ces pratiques et appellent les autorités de contrôle à se prononcer sur leur bien-fondé.
L'an passé, une précédente étude de 60 millions de consommateurs et de l'Unaf avait estimé que les banques françaises avaient dégagé en 2016 jusqu'à 6,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires grâce aux seuls frais d'incident bancaire.
- La Fédération bancaire est "attentive" -
Interrogé par l'AFP, un porte-parole du groupe BPCE, réunion des réseaux Banque Populaire et Caisse d'Epargne, a précisé que "le système de tarification des commissions actuellement en place dans les Banques Populaires et les Caisses d'Epargne est légal, plafonné et porté à la connaissance de chaque client".
"Les commissions d'intervention font l'objet d'un plafonnement et sont limitées à 10 (interventions) par mois (soit 80 euros au maximum, ndlr), et à 5 par mois pour les clients les plus fragiles. Lorsque le client est en solde positif à la fin de la journée, même s'il a été en débit pendant la journée, il ne supporte aucun frais. Et si le solde est négatif en fin de journée, l'ensemble des mouvements basculent dans un traitement particulier afin de décider des opérations à régler en priorité", a ajouté ce porte-parole.
De son côté, un porte-parole du groupe Crédit Mutuel a affirmé que la banque n'avait pas "été saisie de plaintes de ce type par les clients", mais que celle-ci avait questionné les services en charge des traitements informatiques sur les règles qui sont appliquées" après avoir pris connaissance de ces informations.
De son côté, la Fédération bancaire française a déclaré avoir "pris connaissance des questions soulevées par des associations de consommateurs sur certaines modalités techniques de prélèvement des commissions d'intervention" et être "attentive à ces sujets qui touchent la vie quotidienne de ses clients".
Il n'en reste pas moins que ces accusations font tâche, trois semaines à peine après que les établissements bancaires français s'étaient solennellemnent engagés lors d'une conférence de presse à Bercy à limiter les frais d'incident bancaire pour les plus démunis, et à faire davantage de prévention pour prévenir les situations susceptibles de déclencher des coûts supplémentaires pour les clients.
En vertu de cet accord, qui se base sur un engagement volontaire des banques, les frais d'incidents bancaires ne doivent plus dépasser 20 euros par mois et 200 euros par an.
"Certains réseaux ne conseillent quasiment jamais (l'offre spécifique) aux clients en difficulté, ni ne la mettent en avant sur leur site internet", tancent toutefois 60 millions de consommateurs et l'Unaf, plaidant pour que les autorités détaillent de manière nominative les pratiques des banques en la matière.