Les artisans du bâtiment déboussolés par l'annonce de nouvelles coupes dans MaPrimeRénov'

La volonté du gouvernement de raboter de 534 millions d'euros supplémentaires en 2025 le budget de MaPrimeRénov', principale aide à la rénovation, a cueilli à froid mardi les artisans du bâtiment, déjà plombés par une année morose, et les sénateurs, qui s'y sont opposés massivement.

Malgré des signaux encourageants tels que le recul des taux d'intérêt moyens des nouveaux prêts immobiliers et le ralentissement de l'inflation à 1,3% sur un an, les difficultés des artisans du bâtiment se sont accentuées en 2024, a indiqué la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) lors d'un point presse.

Plus de 14.700 défaillances d'entreprises et 21.200 suppressions d'emplois ont ainsi été enregistrées au troisième trimestre, en glissement annuel.

L'activité recule de 3,9% sur un an, plombée par la construction neuve (-8,5%) mais aussi par les travaux d'entretien et d'amélioration du bâti (-1%), dont l'amélioration de la performance énergétique des logements (-0,5%), qui résiste pourtant traditionnellement compte tenu de la nécessité d'éradiquer les passoires thermiques.

Le dernier trimestre est particulièrement mauvais (-6%) tandis qu'un redémarrage pour 2025 reste "incertain", selon la Capeb.

Les carnets de commandes se stabilisent autour de 72 jours, "mais cette visibilité ne suffit pas à soutenir l'emploi dans un contexte d'incertitude politique et d'absence de budget qui alimente l'attentisme", observe encore le syndicat patronal.

Evoquant une "erreur de prescription médicale" du gouvernement, qui privilégie la relance de la construction neuve pour enrayer la crise du logement, le président de la Capeb Jean-Christophe Repon a martelé que l'Hexagone était sur une "bonne tendance" de constructions neuves "compte tenu de la pyramide des âges" prévue en 2050.

"Cette faute politique est inexcusable", a-t-il estimé, évoquant une "mort lente de l'artisanat".

- Rabot dénoncé au Sénat -

Il a par ailleurs vivement critiqué la "volatilité du gouvernement" sur le front des aides à la rénovation, dont la principale d'entre elles, MaPrimeRénov'. Un amendement gouvernemental déposé à la dernière minute au Sénat prévoit une réduction de 534 millions d'euros de crédits de paiement pour l'amélioration de l'habitat, et d'autant pour les aides au logement.

Le budget de MaPrimeRénov' avait déjà été ramené de 4 milliards à 2,3 milliards dans le précédent projet de budget prévu par le gouvernement Barnier.

"Le gouvernement a une vision uniquement budgétaire du budget de la rénovation énergétique", a déploré M. Repon, évoquant "une forte exaspération de l'ensemble des artisans du bâtiment" et la "sensation que les arbitrages sont toujours défavorables aux PME et aux TPE".

"Le contexte budgétaire nous oblige à une plus grande vigilance sur plusieurs dépenses", a reconnu mardi à l'Assemblée nationale la ministre chargée du Logement Valérie Létard.

"Ce sera le cas sur les APL (aides personnalisés au logement, ndlr) sans toucher à aucun paramètre, car les prévisions sont en dessous de ce qui était anticipé (...) Ce sera aussi le cas sur MaPrimeRénov' en optimisant encore davantage la trésorerie", a-t-elle déclaré lors des questions au gouvernement.

La ministre a par ailleurs précisé que le gouvernement ne reviendrait pas sur la couverture des petits travaux de rénovation, dits "monogestes", par MaPrimeRénov'.

"Aucun paramètre de MPR ne sera modifié", a-t-elle déclaré ensuite au Sénat, assurant que ces dépenses seraient "abondées" en cours d'année en cas de besoin.

Insuffisant néanmoins pour convaincre le Sénat lors des débats budgétaires dans la soirée: tous les groupes, à gauche comme à droite, s'y sont opposés en dénonçant "un coup de rabot drastique".