Les anti-mariage pour tous s'invitent dans le débat des "gilets jaunes"

Les opposants au mariage homosexuel profitent des brèches ouvertes par les "gilets jaunes", à l'origine d'une crise politique sans précédent, pour imposer leurs revendications dans le débat public tout en récusant toute "récupération".

"C'est un joli coup!", s'enorgueillit Fabien Bouglé, l'un des co-fondateurs et porte-paroles du collectif "On ne lâche rien", né du combat contre le mariage pour tous en 2013. Avec près de 5.900 votes, leur proposition "Abrogation de la loi Taubira!" est arrivée largement en tête de la consultation du Conseil économique, social et environnemental (Cese) pour répondre à la crise des "gilets jaunes".

Un succès obtenu en deux jours "grâce à de bonnes listes de contacts dans nos fichiers mails", explique à l'AFP M. Bouglé, qui assume cette "action de communication et d'agitation".

Les propositions "bâtir enfin un vraie politique familiale globale et ambitieuse" et "pour un référendum d'initiative citoyenne (RIC) sur le projet de loi bioéthique", contre l'élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, complètent le podium.

Le Cese est dans le viseur des anti-mariage pour tous depuis 2013 après avoir jugé irrecevable leur pétition de 700.000 signatures sollicitant son avis sur le projet de loi de la ministre de la Justice Christiane Taubira.

"La crise des gilets jaunes, c'est une crise de la démocratie. Et les premiers à avoir subi ça, c'est nous", affirme Fabien Bouglé. Il appelle à la "convergence" des deux mouvements qui présentent, selon lui, des "similitudes incroyables", comme "la minimisation du nombre de manifestants" ou "les arrestations arbitraires".

Un jugement loin d'être partagé par les gilets jaunes, dont nombreux sont ceux qui ignoraient cette consultation. "Dégoûté de voir que cette proposition a été la plus votée alors qu'elle est bien loin des préoccupations quotidiennes des gilets jaunes et des Français en général...", a commenté ainsi un internaute sur le site du Cese.

"Les grandes consultations citoyennes sont toujours l'occasion pour les anti-mariage pour tous d'imposer leurs thèmes. On l'avait déjà constaté l'an dernier lors des États généraux de la bioéthique", dénonce le président de SOS Homophobie Joël Deumier, rappelant que "les droits humains ne peuvent pas être débattus".

- "Deux France éloignées" -

Quant au "grand débat national" voulu par Emmanuel Macron, Chantal Jouanno, qui devait initialement piloter cette initiative avant de jeter l'éponge mardi, avait déclaré ne vouloir interdire "aucun thème".

Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a néanmoins recadré les objectifs du débat en précisant mercredi que le mariage pour tous, tout comme l'IVG et la peine de mort "ne (seront) pas sur la table".

La présidente de la Manif pour tous, Ludovine de la Rochère, qui affirme ne pas avoir mobilisé ses troupes pour la consultation du Cese, estime cependant qu'"en démocratie, on doit pouvoir débattre de tous les sujets".

Selon elle, "des millions de Français restent opposés à la loi Taubira", même si, selon le dernier sondage réalisé en septembre 2016 sur la question par l'Ifop, 62 % des Français se disaient défavorables à son abrogation.

Plusieurs de ses militants se sont rendus en décembre sur les ronds-points interroger des "gilets jaunes". "Pour les comprendre, les écouter", assure Mme de la Rochère, mais surtout "pas pour récupérer le mouvement", affirme-t-elle.

De cette mini-enquête, il ressort que près de la moitié des 128 personnes interrogées "parlent spontanément de leur inquiétude pour leurs familles, leurs enfants, leurs parents" mais n'abordent jamais la question de l'élargissement de la PMA, combattu par la Manif pour tous.

Cela n'empêche pas sa présidente de trouver des points de convergence: "les difficultés rencontrées par les nombreuses mères élevant seules leurs enfants parmi les gilets jaunes" valide son opposition à la PMA qui "créerait sciemment des familles sans père".

La greffe entre les deux mouvements peut-elle prendre? Peu probable, selon Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'Ifop.

"Tout le monde est à la manoeuvre", et "il n'est pas surprenant que les anti-mariage pour tous se servent aussi du bouillonnement actuel pour faire entendre leurs voix", souligne le politologue. Mais "il s'agit de deux France assez éloignées, l'une populaire et plus jeune, et l'autre plus aisée et plus âgée".

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