Les Alpes à vol d'oiseau avec un pionnier de la cartographie moderne

Parcourir les Alpes françaises du 17e siècle comme à vol d'oiseau: c'est le voyage entrepris par le musée de l'Ancien Évêché à Grenoble, qui expose des planches exceptionnelles de Jean de Beins (1577-1651), un des pionniers de la cartographie moderne.

Orphelin à 13 ans, soldat ensuite pour subvenir à ses besoins, le jeune Jean Beins - sans particule avant son anoblissement en 1619 - découvre les Alpes à 20 ans lors des campagnes militaires contre le duc de Savoie, sous les ordres de Lesdiguières, lieutenant-général du Dauphiné.

En ces temps de guerres de religion entre catholiques et protestants, la paix de Vervins (1598) offre un répit et Beins reprend ses études de mathématiques. Puis vient la paix de Lyon (1601), qui met fin au conflit avec la Savoie. Il réalise ses premières cartes en 1604 comme commis d'un ingénieur du Roi.

"Les frontières bougent en cette époque. Henri IV demande à Sully une cartographie du royaume. Lesdiguières lance le projet en Dauphiné: ce sera la première représentation scientifique, rigoureuse, de cette province, avec un talent extraordinaire", explique Isabelle Lazier, conservatrice en chef.

Jean de Beins arpente les montagnes, gravit les sommets d'où le point de vue permet mesures et repérages, il consigne les vallées et les "pays" avec un trait sensible et une précision surprenante.

Il fera oeuvre de pédagogie auprès du roi, avide de comprendre ces nouveaux confins que la montagne alpine rend difficile à cerner. Il en avait lui-même mesuré les difficultés en se rendant sur place en 1600, lors de l'envahissement de la Savoie, se retrouvant bloqué au pied des cols en raison des mauvais chemins et de la neige.

Pour Stéphane Gal, chercheur en histoire moderne à l'Université de Grenoble Alpes, "le roi éprouve le besoin d'étudier l'espace par des documents visuels qu'il pourra consulter au Louvre". "Un peu comme la galerie des cartes du Vatican", souligne Mme Lazier.

"Toute l'oeuvre de Jean de Beins visait à répondre à cette nouvelle exigence du pouvoir, laquelle passait désormais par la visualisation de l'espace et la capacité de l'État à s'y projeter. Les caractéristiques, en somme, des nouveaux arts de gouverner et de mener la guerre moderne au Grand Siècle", analyse M. Gal.

Outre les cartes du Dauphiné, qui englobe les futurs départements de l'Isère, de la Drôme et des Hautes-Alpes, l'ingénieur militaire réalise aussi des cartes de siège contre des cités protestantes réfractaires, des profils de villes et des plans de forteresses.

Les cartes présentées sont issues principalement d'un recueil conservé à la British Library. Son périple des bureaux de Sully à la Grande-Bretagne, probablement à la fin du XIXe siècle, reste mystérieux. C'est un historien britannique qui l'avait exhumé dans les années 1960.

(Exposition jusqu'au 28 février 2018.)

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