Les agriculteurs en meilleure santé que le reste de la population, mais avec des risques spécifiques de cancers

Les agriculteurs souffrent globalement moins de cancers que le reste de la population, mais certains cancers peuvent être liés à l'usage de pesticides, selon une vaste étude épidémiologique consultée vendredi par l'AFP.

L'enquête Agrican, portant depuis 2005 sur plus de 180.000 affiliés à la Mutualité sociale agricole (MSA), se présente comme "la plus grande étude au monde conduite sur les cancers en milieu professionnel agricole".

Premier constat: "Toutes causes confondues, les hommes et les femmes de la cohorte ont une mortalité inférieure de 25% à celle de la population générale" des départements dont ils sont issus, selon le "bulletin n°3" de l'étude conduite notamment par l'Inserm, communiqué fin novembre aux participants à cette cohorte.

Les chercheurs soulignent que l'état de santé des membres de la cohorte, "globalement meilleur que celui de la population générale des départements concernés, s'explique d'une part par un tabagisme nettement moindre que dans la population générale (...) et d'autre part, par un phénomène décrit par les épidémiologistes sous le terme +d'effet du travailleur sain+".

Par rapport au reste de la population, les agriculteurs présentent un risque majoré de suicide (+14% chez les hommes et +46% chez les femmes), "ce risque était deux fois plus important chez les non-salariés" que sont les chefs d'exploitation agricole.

Concernant les cancers, ils sont moins fréquents chez les hommes (-7%) et chez les femmes (-5%) de la cohorte Agrican que dans la population générale.

Sur 43 cancers étudiés, six ont été retrouvés plus fréquemment parmi les membres de la cohorte et 14 moins fréquemment.

"Nos résultats évoquent un lien possible entre l'exposition aux pesticides et le cancer de la prostate, une hypothèse qui est cohérente avec le résultat de nombreuses autres études", avertissent les chercheurs.

Ainsi, les arboriculteurs "réalisant des traitements pesticides ou des récoltes sur plus de 25 ha avaient un doublement de risque de cancer de la prostate".

Le risque était majoré de 20% chez les personnes utilisant des insecticides sur bovins et de 10% chez les éleveurs de porcs.

Par ailleurs, les membres de la cohorte "sont plus touchés par l'ensemble des lymphomes (+9% chez les hommes et +7% chez les femmes), et notamment par un type particulier (les lymphomes lymphoplasmocytaires, +50% environ) et par les myélomes multiples (+20% environ)".

Des risques majorés sont ainsi observés chez les cultivateurs utilisant des pesticides ou parmi les éleveurs désinfectant leurs bâtiments.

Dans un communiqué, l'UIPP, le syndicat professionnel des fabricants de produits phytopharmaceutiques, a appelé de son côté "à prendre ces résultats avec précaution" et à "poursuivre les recherches pour (...) comprendre quels sont les facteurs de risque agricole à l'origine de l'augmentation de ces cancers".

Quant à la maladie de Parkinson, l'étude relève que "les utilisateurs de pesticides avaient plus de risque de développer la maladie que les membres de la cohorte non utilisateurs de pesticides".

Plus précisément, elle met notamment "en évidence une augmentation de risque de 40% de maladie de Parkinson en lien avec l'utilisation de deux molécules dithiocarbamates (zinèbe et zirame)". Les dithiocarbamates sont des fongicides qui "restent couramment utilisés en viticulture, en arboriculture fruitière, sur certaines céréales ou encore sur pommes de terre".

Depuis 2012, la MSA, sécurité sociale du monde agricole, reconnaît d'ailleurs la maladie de Parkinson comme maladie professionnelle liée à l'utilisation de pesticides chez les agriculteurs. Depuis 2015, elle reconnait aussi certains cancers du sang (lymphome non hodgkidien, leucémie lymphoïde chronique et myélome multiple) comme maladie professionnelle, même si les malades éprouvent souvent beaucoup de mal à faire reconnaître leurs droits.