Formalités cryptiques, manque de classes en anglais, infrastructures à la traine: les universités et grandes écoles accueillent toujours plus d'étudiants étrangers mais perdent en attractivité comparé à des pays comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne aux politiques d'accueil très volontaristes.
Le nombre d'étudiants étrangers en France atteint 430.000 pour 2023-2024, en hausse de 4 % sur un an et de 17 % sur cinq ans, d'après une étude de Campus France publiée mardi.
Une croissance qui vient pour plus d'un tiers des étudiants d'origine subsaharienne et de l'Europe, sachant que l'objectif gouvernemental est d'atteindre 500.000 étudiants étrangers en 2027, rappelle Campus France, l'organisme public de promotion de l'enseignement supérieur du pays.
"Former les futures élites c'est autant de relais d'influence", justifie notamment Donatienne Hissard, directrice générale de Campus France, interrogée par l'AFP.
Cette progression est toutefois plus faible que la moyenne mondiale, constate Campus France.
Un rapport de la Cour des comptes en mars rappelait que la perte d'attractivité comparative de la France par rapport à d'autres pays dure depuis plusieurs décennies et s'est accélérée ces dernières années, dans un contexte de concurrence accrue entre pays.
La France était encore le deuxième pays d'accueil pour les étudiants étrangers en 1980, derrière les États-Unis, mais en 2022, elle était tombée à la septième place, "derrière le Canada, l'Allemagne et la Russie".
"Plusieurs facteurs nuisent à l'attractivité du pays", estime Hicham Jamid, docteur en sociologie au Conservatoire national des Arts et Métiers (Cnam), interrogé par l'AFP.
"La prédominance du français comme langue d'enseignement dans un contexte où l'anglais s'impose", "les procédures de demande de visa et d'installation souvent perçues comme complexes" en comparaison avec celles mises en place par des pays comme le Canada, l'Allemagne ou le Royaume-Uni, énumère-t-il.
- Frais d'inscription différenciés -
En outre, "le coût élevé de la vie, notamment à Paris" et les difficultés d'accès au logement, ainsi qu'une "image parfois altérée de la France par les tensions sociales et les débats politiques sur l'immigration" contribuent à ternir l'image de la France auprès des étudiants du monde entier, poursuit M. Jamid.
Selon lui, "la hausse des frais d'inscription pour les étudiants extra-européens depuis 2019, dans le cadre de la stratégie +Bienvenue en France+, a également suscité de vives critiques, notamment en Afrique et en Asie".
Le tout, dans un contexte budgétaire très contraint pour les universités françaises, beaucoup étant actuellement en déficit.
D'après Donatienne Hissard, certaines universités publiques françaises facturent depuis 2019 des frais de scolarité de l'ordre de 2.700 euros par an pour une licence aux étudiants non européens, et de 3.800 euros en master. En revanche, afin d'attirer les chercheurs et les meilleurs "cerveaux", les doctorants n'ont à payer que 270 euros par an.
Cela se compare avec des frais de plus de 10.000 livres et jusqu'à 40.000 livres par an au Royaume-Uni, mais quasi nuls en Allemagne à l'exception de quelques régions comme la Bavière ou des universités privées.
Côté visas, Mme Hissard souligne que la France a en a octroyé 109.000 à des étudiants étrangers l'an dernier, "un record", mais que les formalités de renouvellement restent complexes et longues.
Si les Etats-Unis où l'exécutif Trump multiplie les attaques frontales contre les universités et où la politique d'immigration a été durcie, risquent de devenir moins attractifs aux étudiants en quête d'expatriation, de nouvelles puissances éducatives émergent: l'Irlande et l'Estonie en Europe, la Turquie, les pays du Golfe et la Chine.
Ces derniers "investissent massivement dans leur offre universitaire et leurs stratégies d'attractivité, pourraient prochainement dépasser la France en nombre d'étudiants accueillis, notamment depuis l'Afrique et l'Asie, où ils mènent une diplomatie éducative de plus en plus active", insiste Hicham Jamid.
Si les universités britanniques, "assises sur une marque extraordinaire" à l'instar d'Oxford, Cambridge ou London School of Economics (LSE), relève Mme Hissard, ont connu une croissance extraordinaire de leur population d'étudiants étrangers malgré le Brexit, en se tournant vers des pays comme l'Inde ou la Chine.
Elles pâtissent à présent du tour de vis de Downing Street sur la politique migratoire: le précédent gouvernement conservateur a interdit aux étudiants étrangers de faire venir avec eux des membres de leur famille à leur charge.
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