Le vélo français accélère dans l'Ouest

"On sera prêt au niveau de l'assemblage" mais pour les pièces des vélos, "tout est à reconstruire": au sud de Nantes, le fabricant Arcade accélère la cadence pour surfer sur la folie du biclou.

Dans le cadre de son "plan vélo" lancé en septembre, le gouvernement vise la production d'un million de vélos en France dès 2023, pour tirer des bénéfices industriels de ce moyen de transport "accessible, écologique et bon pour la santé".

La France, qui était un "leader mondial dans les années 1970" avec des marques comme Peugeot, Gitane, Mercier, Dilecta ou MBK, "est passée à une situation de dépendance quasi totale vis-à-vis de l'Asie au début des années 1990 sur l'ensemble des pièces qui composent un vélo", racontait le député Guillaume Gouffier-Cha (LREM) début 2022 dans son rapport sur le secteur.

Dans l'usine Arcade, à La-Roche-sur-Yon (Vendée), Frédéric Lucas croit à cette renaissance: "toute la filière a investi pour augmenter ses capacités de production en France. Donc au niveau de l'assemblage, on sera prêt", indique le jeune patron à l'AFP.

Les 170 salariés d'Arcade fabriquent environ 300 vélos par jour, soit 60.000 vélos par an, pour un chiffre d'affaires de 38 millions d'euros, en forte hausse. "On est passés d'artisans à industriels en deux ans", souligne M. Lucas.

- "Musculaires" -

Frédéric Lucas, 29 ans, a repris l'usine de son père pour l'agrandir. Elle va déménager de quelques mètres dans quelques mois, et ouvrir une nouvelle ligne de montage.

L'entreprise fabrique surtout des modèles robustes pour des loueurs et des collectivités, vendus autour de 500 euros pour les versions "musculaires" et entre 1.000 et 1.500 euros pour ceux à assistance électrique (VAE).

Sur la ligne, une dizaine d'ouvriers montent des Vélhop, les vélos partagés de l'Eurométropole de Strasbourg. Les cadres arrivent d'Asie avant d'être peints et enfournés.

Les roues sont assemblées sur place: une ouvrière place les rayons sur le moyeu, avant de passer le tout dans une machine. Une autre glisse avec précaution les câbles électroniques dans le cadre. Seules environ 20% des pièces proviennent d'Europe pour l'instant, comme les selles italiennes Royal.

"Il faut encore investir et progresser rapidement sur toute l'industrialisation de la filière des composants de cycle", soit les roues, les pneus, les freins, ou les transmissions, souligne Frédéric Lucas.

A cinquante kilomètres d'Arcade, la Manufacture française du cycle de Mâchecoul, ancienne usine Gitane et premier producteur de l'Hexagone, a aussi ouvert un nouvel entrepôt pour alimenter les magasins de son propriétaire, le groupe Intersport. La filière s'est structurée en juillet dans la région sous le pôle de compétences CYGO (CYcle Grand Ouest).

- "Au millimètre" -

La production de vélos a déjà fortement progressé en France, avec 800.000 unités produites en 2021, contre 660.000 en 2020, selon l'Union Sport & Cycle. Encore loin des chiffres du Portugal ou de la Roumanie, la production pourrait atteindre les 976.000 vélos en 2022, dont plus de 50% de VAE.

Ces vélos vendus bien plus cher tirent le marché et remplissent les carnets de commandes de petites marques en forte croissance, comme Moustache dans les Vosges ou les vélos-cargos de Douze Cycles près de Dijon.

Près de la très cyclable ville de Nantes, deux anciens collègues dans l'informatique se sont lancés dans la fabrication artisanale de "longtails", ces longs vélos trapus, pensés pour transporter des enfants (ou des colis).

"Aujourd'hui, on achète notre acier en France, on le fait préparer par un industriel qui va cintrer les tubes, faire la découpe laser pour que tout soit vraiment ajusté au millimètre. Et ensuite, on réalise la soudure nous-mêmes dans notre atelier", explique Nicolas Martin, président d'Etni Cycles. "Pour garder la fabrication française, on est obligé d'avoir un tarif assez haut (autour de 5.000 euros). Donc on a choisi uniquement des composants premium".

De quoi conforter le député Gouffier-Cha dans son analyse. "Nous ne recréerons pas ce qui existait autrefois: nous devons absolument bien cibler nos segments d'activités et réussir à nous déployer sur les marchés technologiques du milieu de gamme ou de haut de gamme", écrit-il dans son rapport.

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