Si "la solution unique n'existe pas", la technologie électrique, déjà "aboutie", permet d'assurer l'avenir du sport automobile, tout comme l'hydrogène qui n'est "pas un fantasme", selon le directeur technique de la Fédération internationale de l'automobile (FIA), Xavier Mestelan Pinon.
Formule E tout électrique, Formule 1 hybride mais "de plus en plus" électrique et intéressée par les carburants "durables", rallye hybride, projets hydrogène au Dakar et en endurance... L'ingénieur de formation, artisan des victoires mondiales de Citroën en rallye puis directeur de DS en Formule E, fait pour l'AFP un tour d'horizon des solutions pour un sport auto plus "vert".
Q: Comment le sport automobile, qui paraît parfois anachronique face à l'urgence climatique, s'adapte-t-il ?
R: "La solution unique n'existe pas. Il y a plein de projets. La situation est complexe mais personne ne sait exactement où on va aller, quelle va être la solution pour les dix, vingt, trente prochaines années. Nous sommes dans un contexte sociétal particulier. On parle souvent du +mix+ énergétique. On sort du tout-pétrole pour de nombreuses énergies différentes."
Q: En a-t-on fini avec la motorisation thermique ?
R: "Il restera toujours une partie sous la forme du pétrole car les progrès des moteurs thermiques sont continus, ça consomme et pollue de moins en moins. Mais ce ne sera plus pour très longtemps, notamment en Europe après 2035. Il restera peut-être ensuite des moteurs hybrides mais ce qui me paraît clair aujourd'hui, c'est qu'un moteur électrique c'est performant. Très bon rendement, petit, pas lourd, ça fonctionne bien. Le moteur électrique a l'avantage d'être abouti en termes technologiques. Alors qu'avec un moteur thermique, 60-70% de l'énergie est perdue, avec un moteur électrique on arrive à transmettre 90-95% de l'énergie pour faire avancer la voiture."
Q: Pourtant, la Formule 1 est encore hybride, non électrique...
R: "Oui, mais dans toutes les disciplines hybrides, comme la Formule 1, la part de la motorisation électrique devient de plus en plus importante. Dans les futures F1, après 2025, le moteur électrique sera beaucoup plus important qu'aujourd'hui en termes de puissance. Aujourd'hui, un moteur électrique de F1 apporte environ 120 kW de puissance contre 540 pour le thermique. Ca reste à définir mais on sera peut-être rapidement avec des puissances équivalentes entre les deux motorisations. L'autre point, ce sont les carburants qui seront issus de la biomasse."
Q: En comparaison, quelle est la puissance d'une Formule E ?
R: "Pour la Formule E, c'est de l'ordre de 250 kW mais, dans deux ans, ce sera 350 kW. On va faire un grand bond en avant, tout en allégeant la voiture de 7%. Donc les progrès sont phénoménaux. C'est possible grâce à une plus petite batterie qui va être capable de se régénérer lors des freinages. On va utiliser toute l'énergie des freins pour recharger la batterie. On travaille aussi pour réduire les émissions de particules au niveau des freins ou des pneumatiques."
Q: Quelle est la principale barrière pour que l'électrique se démocratise ?
R: "Le stockage est la principale question. On peut stocker sous forme électrique, donc dans les batteries, et là il y a encore des progrès qui doivent être faits pour rendre les batteries plus performantes, avoir plus d'énergie. Le stockage peut aussi être amélioré par l'essence, qui peut faire tourner un moteur qui va lui-même recharger une batterie. C'est ce qu'on appelle un +range extender+: un moteur thermique optimisé en termes de rendement et qui recharge une batterie.
L'autre forme, c'est l'hydrogène. Ca peut être une source d'énergie à bord, ça peut permettre de créer de l'électricité, avec la fameuse pile à combustible, ou d'alimenter un moteur thermique. Si vous alimentez un moteur thermique avec de l'hydrogène, le moteur ne va plus recracher de CO2 mais de l'eau, tout simplement. Ensuite, l'hydrogène peut être stocké dans les voitures sous forme liquide, comme on le fait avec les fusées, ou gazeuse."
Q: L'hydrogène n'est donc pas un fantasme ?
R: "Non, ce n'est pas un fantasme dans la mesure où ça roule déjà. Toyota a déjà fait les 24 Heures de Fuji en hydrogène avec un moteur thermique-hydrogène. Il n'y a pas eu de problème. Mais on ne va pas basculer tout de suite vers l'hydrogène car les constructeurs sont actuellement très impactés par l'électrification de leurs gammes."
Propos recueillis par Olivier LEVRAULT.
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