Le Sénat veut "redonner vie" au marché de l'assurance des collectivités

Résiliations non justifiées, cotisations et franchises en hausse voire impossibilité de trouver un assureur: la commission des finances du Sénat a dressé jeudi un bilan inquiétant des difficultés rencontrées par les collectivités locales pour s'assurer, alors même que les risques climatiques augmentent.

Le rapporteur de la mission d'information Jean-François Husson (LR) a rappelé lors d'une conférence de presse les "nombreuses préoccupations des élus locaux qui continuent (...) de rencontrer des grandes difficultés assurantielles".

Selon une consultation réalisée en février par les sénateurs, 60% des 713 répondants ont rencontré "au moins un problème important avec leur assureur".

Depuis le 1er janvier 2023, 20% ont vu leur contrat résilié à l'initiative de leur assureur, avec un préavis "d'un à deux mois dans 11% des cas".

Près d'un tiers ont également vu leur contrat faire l'objet d'un avenant, assorti pour 94% d'entre elles d'une hausse de cotisation.

Ces difficultés touchent toutes les collectivités, rurales ou urbaines, même si les communes de plus de 5.000 habitants sont davantage frappées.

Ces dernières disposent de davantage d'équipements (piscines, crèches, écoles, théâtres...) et présentent donc plus de risques pour les assureurs, par ailleurs échaudés par les émeutes de l'été dernier.

Seule la Smacl, qui a dû s'adosser à la Maif fin 2021, s'y aventure, bien que la rentabilité ne soit pas au rendez-vous sur ce marché, ainsi que Groupama pour les petites communes.

Faute d'alternative, les collectivités "sont en pratique forcées de se soumettre en cas de hausse de tarifs ou d'autres modifications contractuelles", affirme le rapport.

Cette nouvelle donne contraste avec la politique tarifaire "très agressive de la Smacl" ces dernières années, "engagée dans une +course au volume+ pour devenir +numéro 1+" (...) sans pour autant disposer d'une gestion suffisamment saine pour le lui permettre", selon les sénateurs.

Ils pointent aussi la "guerre des prix" menée "sous l'influence notable d'assureurs européens" qui se sont depuis désengagés du marché.

- "Urgence" -

Le montant des primes a ainsi paradoxalement "fortement diminué entre 2017 et 2022" alors même que la sinistralité augmentait.

"En conséquence, assurer les collectivités a nui à la profitabilité du marché (...), que les assureurs ont fini par déserter", concluent les sénateurs.

Déjà en hausse, les risques vont de surcroît encore augmenter.

Entre 1989 et 2019, 74 milliards d'euros d'indemnisations ont été versées en France "pour l'ensemble des événements climatiques". Elles pourraient atteindre 143 milliards d'euros entre 2020 et 2050.

Forts de cette analyse, les sénateurs formulent 15 recommandations, se tournant en premier lieu vers l'Autorité de la concurrence, saisie mercredi.

Charge à elle "d'analyser les principales évolutions de la structure et de la dynamique concurrentielle du secteur depuis 2010" et "de proposer les modalités à même de garantir le bon fonctionnement du marché", a expliqué M. Husson.

Deuxième proposition de la mission, présentée comme une "urgence": "L'extension des compétences du médiateur de l'assurance pour garantir une solution d'assurance aux collectivités" sans couverture.

Il faut lui permettre "d'intervenir peut-être plus tôt mais surtout plus vite et mieux", a souligné M. Husson, projetant pour le médiateur un rôle de "maître d'école" ou de "gendarme qui va remettre les acteurs autour de la table".

Les sénateurs demandent aussi aux collectivités d'améliorer la connaissance de leur patrimoine à assurer, pour coller au plus près des besoins et réduire les coûts, et proposent de créer "un dispositif d'indemnisation du risque d'émeutes" à l'instar du fonds Barnier pour les catastrophes naturelles.

Ils proposent enfin aux assureurs de respecter un délai minimal de six mois en cas de résiliation unilatérale à leur initiative, avec justification du motif de la résiliation.

Une mission gouvernementale travaille en parallèle sur le sujet, menée par le maire de Vesoul et vice-président de l'Association des maires de France (AMF) Alain Chrétien (Horizons), avec Jean-Yves Dagès, ancien patron de Groupama.

"On n'est pas là pour se faire de la concurrence" mais pour "chercher ensemble la meilleure solution possible", a commenté M. Husson.

"La situation est préoccupante et on l'espère conjoncturelle. Nos deux rapports vont dans le même sens et dans le bon sens", a commenté de son côté Alain Chrétien à l'AFP.

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