Pouvoir d'achat, uniforme à l'école, haro sur l'écologie "punitive": les députés RN ont inscrit un large éventail de textes à l'agenda de leur journée réservée jeudi à l'Assemblée, sans grand espoir de succès vu leur marginalisation politique.
Malgré une image lissée et des coups d'éclats, le principal groupe d'opposition, fort de 88 députés, n'a engrangé jusqu'ici aucune véritable victoire législative. Et sa "niche parlementaire" ne devrait pas changer la donne: ses sept propositions de loi ont été rejetées en commission, présageant un sort identique dans l'hémicycle.
Reste pour le groupe de Marine Le Pen l'occasion d'afficher son sérieux et de dérouler certains de ses thèmes de prédilection, à l'exception notable de l'immigration.
"La loi Darmanin va bientôt arriver, on aura de longs moments pour défendre nos propositions", fait valoir la députée Laure Lavalette, expliquant que le RN a privilégié des textes "consensuels", comme celui qu'elle défend pour un droit de visite parlementaire dans les établissements médico-sociaux.
De quoi apporter la preuve, si aucun n'est adopté, de la "posture politicienne" de ses adversaires. "Nous sommes confrontés à des groupes sectaires, mais ça ne tiendra pas longtemps", prédit Mme Le Pen.
- Uniforme à l'école -
Le premier texte qui sera débattu jeudi vise "à inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10%", via un gel des cotisations patronales.
Il sera suivi d'une proposition visant à supprimer les "zones à faibles émissions" (ZFE) interdisant les véhicules les plus polluants dans les agglomérations, incarnations selon le RN d'une "écologie punitive".
Des textes instituant la proportionnelle aux législatives ou créant "une présomption de légitime défense" pour les forces de l'ordre sont aussi au programme, mais plus loin dans l'ordre de passage et avec peu de chances d'être examinés, une "niche parlementaire" devant s'achever à minuit.
La seule proposition ayant reçu un accueil favorable d'un autre groupe politique est inscrite en quatrième place, et pourrait être débattue dans le temps imparti: il s'agit de rendre obligatoire dans les écoles et collèges publics le port d'un uniforme, dont chaque établissement pourra fixer "la coupe et la couleur".
L'objectif est d'"éviter la pression" des "islamistes" et de mettre fin au "concours aux habits les plus chers, les plus luxueux, les plus à la mode", plaide Marine Le Pen.
Fait notable, les députés LR, qui ont déjà déposé des textes similaires, y ont apporté leur soutien en commission. Mais leur vote favorable dans l'hémicycle ne suffirait pas à faire passer ce texte.
Il est vivement combattu par la gauche. Et même si certains députés macronistes voient d'un bon oeil l'idée d'un uniforme, et qu'un groupe de travail a été lancé au sein de Renaissance sur le sujet, le camp présidentiel critique un texte rédigé sans "un travail sérieux sur l'impact".
- Le "sectarisme des autres" -
Le rejet probable de tous ses textes viendrait illustrer la mise à l'écart dans laquelle demeure l'extrême droite à l'Assemblée, malgré l'obtention inédite de deux vices-présidences de l'institution ou encore l'attribution de présidences de groupes d'amitié.
Si les députés RN ont surpris leurs adversaires de gauche en soutenant leur première motion de censure du gouvernement, à l'automne dernier, ces derniers ne leur ont pas renvoyé l'ascenseur. Et la majorité n'a pas négocié d'amendements avec eux, comme elle a pu le faire avec les autres oppositions.
Le RN avait échafaudé une parade face à ce barrage, en inscrivant au menu de sa "niche" des textes venant d'autres bancs et susceptibles d'obtenir une majorité.
Il avait initialement repris un texte de la sénatrice centriste Valérie Létard (UDI) créant une aide "d'urgence" pour les victimes de violences conjugales et un autre de LFI proposant la réintégration des soignants non-vaccinés, dont l'examen houleux n'avait pas pu être mené à son terme fin novembre.
Passé l'effet de surprise, les autres groupes avaient riposté en inscrivant le premier texte dans un autre créneau, et LFI avait fini par retirer sa proposition de loi pour écarter le "piège" tendu par le RN.
"Nous, nous faisons notre job", a lancé mardi devant la presse le nouveau président du parti Jordan Bardella. "On n'est pas responsable du sectarisme des autres. Les électeurs sauront s'en souvenir".