Le parcours de la "combattante" de femmes homosexuelles pour devenir mères

Elles ont entre 25 et 40 ans et partagent toutes le même sentiment d'injustice à l'égard du droit français qui rend impossible leur désir de maternité dans la légalité, car homosexuelles.

A quelques jours de l'examen, mercredi, en conseil des ministres du projet de loi bioéthique prévoyant la PMA pour toutes, cinq femmes ont raconté à l'AFP leur parcours semés d'embuches.

- "Comme l'avortement avant" -

Adeline et Katharina, 30 et 36 ans respectivement, sont mamans depuis six mois à peine. Leur fils est né à Toulouse mais il a été conçu par insémination au Danemark. Là-bas, l'enfant a la possibilité de connaître à sa majorité l'identité de son géniteur.

"Pour nous, c'était important qu'il puisse savoir, s'il le désire, de qui vient 50% de son ADN", explique Adeline, exprimant le désir d'un changement en ce sens dans la législation en France où le don de sperme est anonyme.

Pour ce couple franco-allemand, la PMA a fonctionné à la deuxième tentative, à leur grand soulagement, car "chaque voyage, avec les frais de l'insémination, l'avion et l'hébergement nous a coûté près de 2.500 euros", confie Katharina.

Selon elle, "la PMA, c'est comme l'avortement avant, celles qui la veulent l'auront, mais ce serait tellement plus sécurisant qu'elle puisse être réalisée en France dans un cadre légal".

Aujourd'hui, elles ne sont pas encore tout à fait sereines, puisque leur fils a officiellement une seule mère et que son adoption par Adeline "dépend du bon vouloir du juge", craint Katharina.

"Là est toute l'injustice. Si j'étais mariée à un homme, il serait automatiquement le père en le reconnaissant, même s'il n'est pas le père biologique", s'offusque-t-elle.

- "Mère illégale" -

Pauline, 40 ans, a toujours su qu'elle voulait être mère. Il y a sept ans, après des mois d'une profonde réflexion, elle décide avec sa compagne de recourir à une PMA en Belgique. Au total, elle a dû faire quatre inséminations, "avec tout ce que cela implique d'allers-retours et de stress".

"J'ai tenu parce que j'avais un tel désir de maternité, mais d'un point de vue logistique, ça peut te bouffer", confie cette professeur de français.

Son fil de six ans connaît son histoire, qui, "oui est différente et atypique", reconnaît-elle. "Mais on ne lui a pas retiré quelque chose, on lui a juste proposé autre chose".

Elle assume entièrement son choix, mais ce sont toutes les tensions dans la société qui l'inquiètent. Pour beaucoup, "je suis une mère illégale car j'ai eu mon fils en allant en Belgique", lance-t-elle amère.

Un des moments les plus durs à vivre, alors qu'elle était enceinte de quatre mois, a été la +Manif pour tous+ qui a rassemblé un million de personnes contre le mariage homosexuel. "Les cristallisations de l'époque vont ressurgir aujourd'hui" avec le débat autour de la PMA, craint Pauline.

- "Hypocrisie française" -

Au début de la trentaine, Edwige, aide soignante, a commencé à ressentir un "besoin viscéral" de porter un enfant. "A la base, notre projet était de réaliser une insémination artisanale avec un don de sperme du meilleur ami de ma femme, mais quand il s'est mis en couple ça n'a plus été possible".

Elle se tourne alors vers l'Espagne et Nino naît en 2015 après deux essais. "Ce qui nous a surpris, c'est que tout s'est passé sans encombre en France, avec la gynécologue qui nous suivait, à la pharmacie qui nous délivraient le traitement hormonal, avec les équipes médicales de l'hôpital où notre fils est né...", dit-elle.

"Tout est prêt pour une PMA en France, il ne manque plus que la loi", estime Edwige, regrettant "l'hypocrisie française".

"A-t-on vraiment besoin de parcourir des milliers de kilomètres pour prouver que cet enfant on le veut vraiment? s'insurge-t-elle.

Aujourd'hui, le couple a envie d'un deuxième enfant, mais n'est pas très optimiste sur l'adoption rapide de la loi. "On ira sûrement en Espagne, une nouvelle fois", se résout à accepter Edwige, 37 ans.

- Une pipette, une seringue et un pot -

A 25 ans, Célia, elle, n'est pas engagée dans une course contre l'"horloge biologique" mais son envie d'avoir un enfant avec sa compagne est tout aussi forte.

Avec sa compagne elles n'envisagent pas la PMA à l'étranger, "car l'idée de mettre autant d'argent pour concevoir nous déstabilise un peu", explique la jeune femme.

"Pour trouver un donneur en France, il existe beaucoup de sites internet, encadrés par certaines règles comme l'interdiction de toute rémunération", précise-t-elle.

La fécondation peut se faire par une méthode naturelle, semi-naturelle --la pénétration a uniquement lieu au moment de l'éjaculation-- ou artisanale.

C'est cette dernière qu'a choisi Célia. "Le donneur s'isole dans une pièce avec un pot, et une fois le sperme recueilli, le couple gère seul la fécondation avec une pipette et une seringue".

"Pour l'instant ça n'a pas encore fonctionné, après trois essais", soupire Célia. Mais elle continuera "tant qu'il le faudra".

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