Le nouveau président de la FNSEA veut sortir de "l'hystérisation" autour de l'agriculture

Le nouveau président du syndicat agricole majoritaire FNSEA, Arnaud Rousseau, estime que l'agriculture doit gagner "des places dans l'assiette des Français" et "repasser un pacte" avec une société déconnectée des saisons comme du métier d'agriculteur, lors d'un entretien avec l'AFP depuis sa ferme de Seine-et-Marne.

QUESTION: Comment voyez-vous l'agriculture française à la fin de votre mandat, dans trois ans?

REPONSE: Aujourd'hui, on a une agriculture qui perd des places dans l'assiette des Français. L'objectif, c'est de faire en sorte que cette tendance s'inverse. Pour cela, on a trois grands objectifs. Le premier c'est de reparler de souveraineté alimentaire et de compétitivité.

Le deuxième, c'est attirer des talents dans ce métier - la plus grande partie sera demain non issue du milieu agricole - et il faut que celui qui entreprend puisse se rémunérer correctement parce qu'il va investir ses économies pour reprendre une exploitation.

Le troisième grand chantier, c'est qu'il va falloir qu'on arrive à sortir du climat d'hystérisation dans lequel on est.

Q: De quelle manière?

R: Nous devons repasser un pacte avec la société, avec nos compatriotes, qui pour nombre d'entre eux n'ont plus aucune idée de la saisonnalité, des conditions d'exercice du métier... On est arrivés dans une culture binaire où on est pour ou contre les bassines (de stockage d'eau, NDLR), pour ou contre les phytos (les produits phytosanitaires ou pesticides, NDLR), pour ou contre la viande...

Est-ce qu'on peut remettre un peu de rationalité et d'équilibre là-dedans? Pour admettre qu'il y a un certain nombre de points qui doivent évoluer, et mesurer ce qui a déjà évolué.

Q: Lors de votre congrès fin mars, la transition face au changement climatique n'a pas été abordée, à l'exception d'une intervention de la climatologue Valérie Masson-Delmotte.

R: Quand on invite ces gens, c'est que la prise de conscience existe. Il n'y a pas de climatosceptiques dans le monde agricole.

Ici, je fais ma récolte 15 jours plus tôt qu'il y a 20 ans, c'est pareil pour les vendanges, la pousse de l'herbe pose problème et les questions de l'eau en montagne se font de plus en plus pressantes.

Je ne crois pas qu'on arrive à faire évoluer les gens simplement en leur tordant le bras. Chez Avril (le géant des huiles qu'il préside, NDLR), on a dit aux agriculteurs qui adapteront leurs pratiques qu'on était capable de valoriser économiquement cet effort et de leur donner une rémunération supplémentaire.

Ce que l'on va vivre au niveau du climat sera immensément plus impactant que ce que l'on connaît déjà. L'agriculture qui ne s'adaptera pas ne restera pas.

Q: Quel est le positionnement du syndicat sur la pollution liée aux pesticides ?

R: La France n'est pas une île, on est dans un marché compétitif. On ne peut pas accepter des décisions (d'interdiction, NDLR) qui ne soient pas harmonisées au niveau européen et qui nous mettent en face de concurrents qui ont des avantages.

Le sujet, ce n'est pas de défendre les matières actives. Le sujet, c'est qu'on perd des parts de marché. Notre problème, c'est qu'on n'arrive pas à produire, ou qu'on produit de moins en moins : moins de fruits, moins de légumes, moins de betteraves demain.

Je comprends que cela puisse heurter des gens qui se disent +Ils s'en foutent, ils polluent+ mais mon capital, reçu de mes parents et de mes grands-parents, c'est la terre. Je ne sais pas ce que feront mes enfants, mais s'ils décident de faire ce métier-là, j'ai envie de la leur laisser dans un état qui leur permettra de continuer à produire.

Q: A vous entendre, si on doit choisir, c'est d'abord la compétitivité et ensuite la santé.

R: Je ne choisis pas. Je dis que pour en sortir, on a besoin d'une harmonisation européenne. Des solutions alternatives commencent à se mettre en oeuvre. On a juste besoin de temps et d'adaptation.

Q: Le gouvernement a récemment présenté un plan sur l'eau. Que faut-il faire d'urgence ?

R: L'agriculture, comme le reste de la société, va contribuer à la sobriété. Il faut qu'on consomme moins ou mieux.

On a plusieurs leviers (sondes, arrosage goutte à goutte, rotations de cultures...). Par exemple ici, pour la deuxième année consécutive, je fais du tournesol parce qu'il a besoin de moins d'eau.

Sur le stockage... Je ne comprends pas l'argument de la privatisation. L'eau sert à produire cette alimentation dont tous les Français ont besoin. Quant aux bassines, on n'a jamais dit que c'était un modèle réplicable partout.