Le groupe d'ex-députés LREM de l'aile gauche s'éteint et accuse la majorité

C'est une disparition emblématique au Palais Bourbon: après le départ vendredi d'une de ses membres et sauf ultime rebondissement, le groupe Ecologie Démocratie Solidarité, composé d'ex-députés LREM de l'aile gauche, va disparaître et dénonce des "manoeuvres" de la majorité à son encontre.

La députée du Nord Jennifer de Temmerman a indiqué rejoindre le groupe Libertés et territoires, plus proche selon elle des "enjeux économiques, sociaux et écologiques" dans sa région face à la crise du coronavirus.

Ce divorce fait passer EDS sous le seuil des 15 membres nécessaires pour être constitué en groupe à l'Assemblée nationale. Il faudrait trouver un nouveau député pour pouvoir demeurer.

"C'est depuis sa création que notre groupe est l'objet de manoeuvres politiciennes incroyables" pour décrocher un à un ses membres, accusent les 14 élus restants dans un communiqué.

Mais "rien ne pourra faire taire l'écologie et la solidarité à l'Assemblée nationale", proclament-ils, après cinq mois seulement d'existence.

Avec la volonté d'aider à construire "le monde d'après", ce petit groupe "indépendant", coprésidé par Matthieu Orphelin et Paula Forteza, s'était formé en mai. Il était fort alors de 17 membres dont Cédric Villani, Aurélien Taché, et également l'ancienne ministre PS de l'Ecologie Delphine Batho.

Un groupe "en phase avec les attentes des citoyens d'aujourd'hui: environnement, participation citoyenne et encore féminisme", insiste Paula Forteza auprès de l'AFP.

La nouvelle entité avait fait perdre aux "marcheurs" la majorité absolue, tout un symbole. Le groupe LREM a depuis enregistré une série d'autres départs, notamment vers Agir ensemble, à l'aile droite.

- Faits d'armes -

Après avoir atteint le nombre record sous la Ve République de 10 groupes politiques, l'Assemblée va redescendre à 9 groupes. C'était devenu "calamiteux" pour le déroulement des débats, observe un responsable LR, pointant "un avatar du ni gauche ni droite" dans l'émergence d'autant de petits groupes.

"Tous ne sont pas très politiques" et certains "regroupements ressemblent à des associations d'auto-entrepreneurs", taclait récemment le titulaire du perchoir Richard Ferrand (LREM), qui ne visait pas forcément Ecologie Démocratie Solidarité.

Car ce groupe "petit mais costaud", selon l'expression de Matthieu Orphelin, a réussi à peser, il y a une semaine notamment, en faisant voter lors de sa "niche" parlementaire une proposition de loi allongeant le délai légal d'accès à l'IVG. Un texte en faveur du bien-être animal n'a pas pu passer le cap, faute de temps.

"On pouvait travailler avec LFI comme LREM sur des majorités de projet, cela a dérangé", estime Paula Forteza qui juge que "la promesse du +nouveau monde+ en 2017 de faire évoluer les pratiques n'a pas été tenue".

Autre fait d'armes: les députés EDS ont été un aiguillon dans l'opposition au projet de loi sur le retour des néonicotinoïdes tueurs d'abeilles.

Cette semaine, ils étaient en pointe dans la demande de contreparties écologiques et sociales aux aides aux entreprises prévues dans le budget 2021 face à la crise.

Aux yeux de Jennifer de Temmerman, qui se définit comme centriste, le groupe EDS "ne prend pas la direction souhaitée". Et "certaines ambitions personnelles prennent le pas sur l'initiative collective et laissent de moins en moins de place aux avis nuancés".

Une source parlementaire LREM les éreinte aussi: "Ils se présentent comme les purs, ceux qui portent toujours les promesses de gauche de Macron de 2017. Mais ils ont trop fait dans +l'anti+".

Matthieu Orphelin, proche de l'ancien ministre Nicolas Hulot, pointe lui "l'écart grandissant" de son groupe avec "le gouvernement et la majorité qui penchent à droite".

Les 14 risquent de rejoindre les non-inscrits, avec moins de moyens. Sept collaborateurs du groupe vont être licenciés.

Le patron du PS Olivier Faure a déjà tendu la main aux EDS: "si certains le souhaitent, nous les accueillerons dans notre groupe", a-t-il déclaré au Figaro, soulignant qu'"ils ont démontré leur proximité avec nos valeurs ces derniers mois".