Le gouvernement s'attaque au financement des pépites technologiques

Le gouvernement veut faciliter le financement des entreprises technologiques en croissance, ces start-up qui ont commencé à faire leurs preuves et ont besoin d'investissements se chiffrant en dizaines ou centaines de millions d'euros pour accélérer leur développement.

"C'est la brique qui nous manque encore", a expliqué à l'AFP Cédric O, secrétaire d'Etat au numérique, après la remise au ministre de l'Economie Bruno Le Maire d'un rapport sur le sujet préparé par l'ancien président de l'Association française des marchés financiers Philippe Tibi.

De plus, "c'est un sujet central dans la compétition technologique avec la Chine et les Etats-Unis", a-t-il indiqué.

L'exécutif devrait annoncer à la rentrée de septembre des initiatives sur ce sujet, a-t-il précisé.

La création de start-up se porte en bien en France et de nombreux investisseurs peuvent financer le ou les premiers millions dont elles ont besoin pour grandir.

Au premier semestre 2019, la France figurait ainsi à la deuxième place du palmarès européen des levées de fonds de jeunes pousses (derrière le Royaume-Uni) avec 2,75 milliards d'euros levés, selon le baromètre In Extenso Innovation croissance.

Mais les choses sont plus compliquées lorsque les jeunes pousses montent en puissance et ont besoin d'investissement se chiffrant en dizaines, voire en centaines de millions d'euros.

Selon le même baromètre, il n'y a qu'une seule levée française (Meero, 209 millions d'euros) parmi les dix plus grosses levées européennes au premier semestre, contre quatre britanniques.

Souvent, seuls les grands fonds anglo-saxons ont les épaules suffisamment larges pour boucler de grosses opérations... au risque de voir les jeunes pousses françaises les plus prometteuses se tourner vers eux.

"Aujourd'hui, l'Europe de la tech travaille pour les retraités américains", relève ainsi dans une boutade Jean-David Chamboredon, président du fonds d'investissement Isai, et coprésident de la fédération de start-up France Digitale.

Pour remédier à cet état de fait, le rapport Tibi préconise de favoriser l'émergence en France de fonds d'investissement en capital-risque capables d'investir des montants substantiels.

"L'objectif pour la France est de disposer d'ici trois ans de dix fonds +late stage+ (investissant dans les start-up confirmées, NDLR), gérant au minimum un milliard d'euros" chacun, selon le rapport.

- annonces de l'exécutif en septembre -

Le rapport Tibi recommande également de favoriser la création en France de fonds investissant dans des entreprises cotées de la tech dans le monde entier.

La présence de ces fonds en France faciliterait la tâche pour les stars françaises en croissance se lançant en Bourse - et d'éviter qu'elles n'aillent se faire coter sur le Nasdaq à New York, comme cela a par exemple été le cas pour Criteo, le spécialiste du ciblage publicitaire.

Pour financer ces fonds, les regards se tournent vers les investisseurs institutionnels français.

"Il y a eu des rendez-vous avec les grands assureurs et les grands investisseurs de la place" pour étudier dans quelle mesure ils pourraient s'impliquer plus dans le financement de l'innovation, a indiqué Cédric O à l'AFP.

Il est possible de faire des choses "à réglementation inchangée", a-t-il précisé.

"Nous avons bon espoir d'annoncer des choses intéressantes à la rentrée", a-t-il dit.

Pour Jean-David Chamboredon, diriger une toute petite fraction de l'épargne gérée par les "zinzins" (les investisseurs institutionnels, NDLR) vers le capital risque et la tech suffirait pour changer beaucoup de choses.

"Leur exposition à la tech est tellement petite", a-t-il indiqué à l'AFP.

Le besoin courant estimé en capital risque, "c'est 10 milliards d'euros". "Pour ceux qui gèrent 2.000 milliards d'assurance-vie, c'est peu", estime-t-il.

"Certains font déjà un peu" de capital risque, mais "il y en a beaucoup qui ne font rien", selon lui.

Bpifrance, la filiale de la Caisse des dépôts chargée du financement de l'innovation en France, "pourrait jouer un rôle important" dans la constitution de ces futurs fonds, a-t-il dit. "Mais le vrai schéma à terme, ce serait d'orienter de l'épargne retraite" vers le capital risque.

"C'est ce qui est prévu par la loi Pacte" que le Parlement a adopté le 11 avril, mais "est ce que les incitations seront suffisantes, et combien de temps cela va-t-il prendre?"

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