Développer des "fonds d'amorçage", favoriser le mécénat, encourager l'obtention de marchés publics par des entreprises sociales: le gouvernement a présenté jeudi un "Pacte de croissance de l'économie sociale et solidaire" (ESS) qui était très attendu par un secteur pesant 10% du PIB en France.
L'enjeu n'est pas de faire croître cette part de l'ESS dans l'économie, mais de favoriser "une autre façon d'entreprendre, qui place l'intérêt général au coeur de son action", afin de "contribuer à résoudre les problématiques sociales, sociétales et environnementales" du pays, a déclaré Christophe Itier, le haut commissaire à l'ESS et à l'innovation sociale.
L'ESS emploie 2,3 millions de salariés, dans ses cinq familles: associations, mutuelles, coopératives, fondations et entreprises sociales. Ses acteurs sont actifs dans des domaines tels que la lutte contre le chômage ou le décrochage scolaire, la prise en charge des personnes âgées ou handicapées, ou encore la protection de l'environnement.
Parmi les dispositifs - parfois très techniques - contenus dans le plan, le relèvement de 60.000 à 72.500 euros du seuil de chiffre d'affaires au-delà duquel les associations sont considérées comme ayant un but lucratif, et donc soumises à l'impôt. Cette mesure pourrait aider par exemple les petites associations sportives ou culturelles à se financer plus facilement, par la vente d'objets dérivés ou autres CD.
Par ailleurs, "toutes les entreprises" de l'ESS bénéficieront chaque année, à partir de 2019, de 1,4 milliard d'euros d'allègements de cotisations patronales.
Le gouvernement veut aussi encourager le "mécénat de proximité" des très petites entreprises (TPE) envers les entreprises de l'ESS, en portant à 10.000 euros le plafond du crédit d'impôt dont elles peuvent bénéficier, contre 0,5% de leur chiffre d'affaires aujourd'hui.
Il va également "fluidifier la procédure" qui permet d'obtenir l'agrément d'"entreprise solidaire d'utilité sociale". Seules un millier d'entreprises peuvent se prévaloir aujourd'hui de cet agrément, et prétendre ainsi à des financements spécifiques. Les entreprises des secteurs culturel, environnemental et de solidarité internationale pourront désormais y prétendre.
Le "pacte" prévoit également de favoriser la participation des entreprises de l'ESS à des marchés publics. Pour y parvenir, le gouvernement veut augmenter le nombre d'appels d'offres incluant des clauses sociales, créer une "plateforme unique" qui référencera les entreprises de l'ESS pour qu'elles soient connues des décideurs publics, et publier chaque année le volume et le montant des marchés publics orientés vers les entreprises de l'ESS.
Un milliard d'euros doit par ailleurs être mobilisé pour l'ESS pendant le quinquennat, en fonds publics et privés, notamment via des "fonds d'amorçage". Un tiers de cette somme (340 millions à ce jour) a déjà été mobilisé, dont 90 millions apportés par l'Etat.
Dans ce cadre, et sous la bannière baptisée "French impact", 22 "projets pionniers" ont été sélectionnés en juin dernier, parmi 200 candidatures.
"On est au milieu du gué. Il y a dans ce pacte des choses qui vont dans le bon sens, mais il faut aller plus loin", a réagi auprès de l'AFP Sébastien Darrigand, de l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire (Udes). Il a regretté en particulier que le plan gouvernemental n'ait pas retenu l'idée d'un crédit d'impôt recherche pour favoriser l'innovation sociale dans ce secteur - par exemple pour les structures qui développent des innovations dans des secteurs peu rentables, comme le recyclage des déchets.
De son côté Philippe Jahshan, président du Mouvement associatif - qui fédère environ la moitié des 1,3 million d'associations françaises -, a salué "plusieurs mesures très intéressantes", notamment celle qui prévoit d'aider les entreprises de l'ESS à solliciter des fonds européens.