Le glyphosate, "passage obligé" pour un agriculteur alsacien

"Le glyphosate, c'est un faux débat !", affirme Thomas Obrecht. Comme beaucoup d'autres agriculteurs français, ce céréalier alsacien de 30 ans utilise toujours l'herbicide controversé, un "passage obligé" pour rester compétitif.

De mars à mai, avant les semis, il pulvérise une vingtaine de litres de Roundup, désherbant à base de glyphosate sur les parcelles touchées par le liseron de son exploitation de 180 hectares - principalement du maïs -, à Kunheim (Haut-Rhin) à l'est de Colmar.

"En moyenne, on traite 2 hectares par an, c'est une utilisation assez marginale. Quand il y a la présence de mauvaises herbes, on les détruit avec du glyphosate", explique-t-il.

Tiré par un tracteur, l'imposant pulvérisateur, qui repose en plein été dans un hangar et dont les deux rampes se déplient lors de son utilisation printanière, peut arroser "une bande de 24 mètres" grâce à ses buses.

"On sort au petit matin, quand il ne fait pas trop chaud, qu'il n'y a pas trop de vent. Dans le village, quasiment tout le monde le fait : ce sont les conditions optimales pour en utiliser le moins", précise Thomas Obrecht, également président des céréaliers du Haut-Rhin.

Ganté, masqué et vêtu d'une combinaison lorsqu'il manipule du Roundup, il dit n'avoir "jamais ressenti" les troubles signalés parfois par les utilisateurs du désherbant comme des irritations cutanées, des problèmes digestifs ou respiratoires, souvent attribués aux adjuvants mélangés au glyphosate.

L'herbicide vedette de Monsanto, plébiscité par les cultivateurs pour son efficacité et son faible coût, mais très critiqué, notamment en Europe, a pour principale substance le glyphosate, qui fait l'objet d'études scientifiques contradictoires quant à son caractère cancérigène.

Le 11 août, un tribunal californien a condamné le géant de l'agrochimie à payer près de 290 millions de dollars de dommages à un jardinier américain qui estimait que les produits de Monsanto à base de glyphosate, qu'il avait utilisés pendant des années, avaient entraîné son cancer.

"C'est une décision prise par 12 personnes qui n'ont aucune qualification scientifique ou agricole", regrette Thomas Obrecht qui dénonce un "déchaînement médiatique sur un sujet qui n'est pas central pour les agriculteurs français".

"Ce n'est pas comme aux Etats-Unis où les cultures OGM sont résistantes au Roundup, Si j'en mets sur des cultures, la semaine d'après elles sont grillées car c'est un herbicide total. On en met seulement avant les semis ou après les récoltes", pour nettoyer les terrains, assure-t-il.

- Des alternatives coûteuses -

Alors, dangereux pour le consommateur ou pas ? Le gouvernement français s'est engagé à faire cesser l'utilisation du glyphosate d'ici à 2021, sans pour autant inscrire l'interdiction dans la loi.

Une annonce qui met "un peu plus en difficulté" les cultivateurs face à la concurrence de produits agricoles importés de pays où le glyphosate est largement utilisé, donc au coût d'exploitation moindre.

M. Obrecht traite aussi au Roundup deux parcelles mises en "agriculture de conservation des sols". Recouverts de végétation en quasi-permanence, ces champs non-labourés permettent de régénérer la terre en matière organique, de retenir le carbone et l'humidité.

Ce système d'agriculture, promu dans le cadre des conférences internationales pour lutter contre le réchauffement climatique, nécessite l'utilisation de glyphosate pour détruire un couvercle végétal souvent dense au printemps, juste avant les semis, défend M. Obrecht.

"Il n'y a pas encore d'alternative pour semer après une période de mise en conservation. Le glyphosate est un passage obligé", assure Thomas Obrecht.

Pour les méthodes plus classiques, "des alternatives existent, mais sont plus coûteuses". "Il faudrait plus de passage d'outils, d'utilisation de carburant, de main-d'oeuvre pour désherber: c'est beaucoup de choses à chiffrer", détaille l'agriculteur, évoquant un surcoût de 100 euros par hectare pour son maïs.

"À un kilomètre de la frontière allemande, si je dois embaucher des gens pour faire du désherbage parce que je n'aurai plus de produit, vous imaginez bien la difficulté par rapport au voisin qui n'a pas le même prix de revient", avance-t-il.

"Cela ne tuera pas forcément les exploitations, mais beaucoup vont perdre en compétitivité", prévient-il.

fd/jlc-im/phc

Poster un commentaire
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.
Déjà membre ? Je me connecte.
Je ne suis pas encore membre, Je crée mon compte.