Le dernier voyage des bateaux de plaisance en fin de vie

Dans une anse de la rade de Brest, des épaves de bateaux de plaisance se détachent du paysage de vasières. Leur lente dégradation menace le site naturel, mais comme des milliers d'autres depuis 2019, elles vont pouvoir être retirées puis recyclées.

"Les coques sont souvent en polyester et en se dégradant elles vont créer des micro-plastiques qui iront se nicher dans l'environnement", note Nazaré Das Neves Bicho, chargée de mission au Parc naturel d'Armorique, évoquant également les peintures antifouling, les batteries ou les éventuels restes de carburant.

Le parc régional intervient, en tant qu'opérateur Natura 2000, dans le cadre de l'enlèvement de treize épaves abandonnées dans la rade de Brest, dont la partie sud est classée aire marine protégée en raison d'habitats marins remarquables.

Parmi ces épaves, dont la propriété n'a pas pu être établie, cinq se situent sur la presqu'île de Plougastel-Daoulas, dans les vasières et prés salés du site de Penn ar Ster, au fond de l'anse de l'Auberlac'h.

"Ces milieux sont déjà soumis à des pressions multiples liées aux activités humaines. Ces épaves constituent une menace supplémentaire", assure Nazaré Das Neves Bicho lors de l'opération d'enlèvement réalisée en partenariat avec la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) du Finistère.

"Depuis 2020, on a recensé quelque 300 navires en situation illégale sur l'estran, en rade de Brest", assure Denis Sède, chef de l'unité Domaine public maritime du Nord Finistère à la DDTM.

Si les propriétaires en infraction ont dans l'ensemble régularisé leur situation, environ 25 sur les 300 n'ont pas donné suite. Une procédure juridique a leur encontre a été lancée avec à la clé une amende pouvant aller jusqu'à 1.500 euros. Parfois cependant, il est impossible de remonter jusqu'aux plaisanciers et une procédure de déchéance de propriétaires doit être engagée.

"Au cours des prochains mois, on va atteindre les 5.000 bateaux déconstruits", se félicite Lucas Debièvre, chargé de développement à l'Aper, l'Association pour la plaisance éco-responsable qui gère, depuis son lancement en 2019, la filière de déconstruction de bateaux de plaisance et de sport (entre 2,5 et 24 m).

- "dix ans d'avance" -

"On finance la déconstruction et ça plait beaucoup aux collectivités, aux professionnels, aux particuliers...", souligne-t-il, en suivant du regard la vedette à la coque défraichie qui vient d'être arrachée du sol par une grue des Recycleurs bretons, l'un des 26 centres de déconstruction agréés en France. Comme les cinq autres du site de Penn ar Ster, elle va être chargée dans une benne avant de partir se faire déconstruire.

La filière est financée par une éco-contribution sur la vente des bateaux neufs et par une dotation provenant de la fiscalité applicable aux bateaux de plaisance. Seul le transport jusqu'à un centre agréé est à la charge des propriétaires.

"L'idée est de continuer à monter en puissance", assure Guillaume Arnauld des Lions, délégué général de l'Aper, se félicitant d'une filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) "unique au monde". "La France a pratiquement dix ans d'avance dans ce domaine par rapport aux autres pays notamment européens", avance-t-il.

"Même si la filière monte en puissance cela va moins vite que ce qu'on aurait pu espérer", admet-il cependant, plaidant pour un raccourcissement des délais d'instruction des dossiers d'agrément pour les centres de déconstruction et de ceux nécessaires à l'obtention d'une déchéance de propriété dans le cas de bateaux abandonnés.

L'Etat devrait en outre, selon lui, augmenter sa dotation sur la fiscalité de la plaisance --de 2% depuis 2019--, alors que seule l'éco-contribution a évolué depuis trois ans, permettant à l'Aper de financer la déconstruction de 363 bateaux en 2019, 1259 un an plus tard et 2.389 en 2021. "Mais, à un moment, si cette éco-contribution pèse trop lourd dans le prix des bateaux le risque est que le plaisancier aille faire ses achats de l'autre côté de la frontière", prévient-il.

L'enjeu est de taille car il s'agit d'accompagner la fin d'usage de la flotte de plaisance, issue du boom de la filière nautique dans les années 1970.

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