Le démantèlement du réseau téléphonique, coup de fouet pour le recyclage du cuivre

Le démantèlement du vieux réseau téléphonique d'Orange va permettre à la filière française de recyclage du cuivre de monter en puissance pour répondre aux besoins colossaux en métal rouge, dont la production ne suffit pas à couvrir ceux liés à la transition énergétique.

Ce réseau, vieux de plusieurs décennies, va être remplacé par la fibre avant d'être définitivement abandonné en 2030.

Le groupe fait déjà recycler du cuivre venant de petits chantiers.

Le programme actuel de démantèlement "ne [modifie] pas notre train actuel de recyclage", explique Bénédicte Javelot, directrice projets stratégiques et développement de l'opérateur téléphonique. En revanche, "à partir de 2027, ça va devenir beaucoup plus [important] et donc ça nécessite pour nous d'industrialiser, de trouver l'écosystème de recyclage pour pouvoir gérer les volumes", ajoute-t-elle.

Cela promet d'être "colossal", selon Maxime Debay, le directeur de l'unique fonderie de fil de cuivre en France, propriété du fabricant français de câbles Nexans. "Il y a un partenariat qui est en train d'être créé avec Orange pour le démantèlement du réseau télécoms. L'idée est de récupérer une partie du cuivre des câbles dé-commissionnés."

L'usine, située à Lens, va voir sa production accrue de plus de 50% à l'horizon 2026, un investissement de 90 millions d'euros. "Aujourd'hui, on a une capacité annuelle d'environ 160.000 tonnes de cuivre transformé", explique Maxime Debay à l'AFP. "Demain, on fera 240.000 tonnes", dont "80.000 tonnes issues de cuivre secondaire, donc de déchets", contre 2.000 à 3.000 tonnes aujourd'hui.

Avec comme corolaire de répondre au niveau de qualité requis pour assurer la bonne conductivité électrique des câbles, c'est-à-dire un cuivre "pur à 99,99 %", autant qu'une cathode (premier produit pur issu du minerai, NDLR), selon lui.

- De 2.000 à 9.000 dollars -

"C'est une technologie complètement différente de celle qu'on a aujourd'hui, avec des outils différents", indique le responsable. L'objectif d'ici deux ans "va être de passer 250 tonnes de déchets par jour dans ce nouveau process".

L'enjeu est majeur à deux titres. D'une part, la demande de cuivre explose dans le monde.

Elle est "stimulée par les réseaux (électriques), les batteries, les véhicules électriques et les énergies renouvelables", rappelle Fatih Birol, le directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) sur LinkedIn.

"Mais les tendances actuelles suggèrent un déficit de 30% de l'approvisionnement en cuivre d'ici 2035, ce qui augmente les risques pour la sécurité énergétique", ajoute-t-il. "Cela nécessite davantage d'investissements miniers, d'innovation et de recyclage".

En vingt ans, le cuivre est passé de 2.000 dollars la tonne environ à plus de 9.000 dollars aujourd'hui.

Le second aspect est industriel, alors que la France ne recycle qu'une petite partie du cuivre issu de la collecte. Selon un rapport du cabinet de conseil Olivier Wyman publié en novembre, sur les quelque 218.000 tonnes de déchets de cuivre récupérés chaque année en France, seulement 66.000 tonnes sont recyclées dans l'Hexagone.

Or, l'industrie française en consomme 257.000 tonnes par an, notamment pour les câbles électriques. "On est là sur un enjeu de balance commerciale, car cette valeur ajoutée pourrait être captée en France", estime Éric Confais, associé au cabinet Oliver Wyman.

De fait, souligne l'Agence de la transition écologique (Ademe), le recyclage du cuivre permet de sécuriser les chaînes d'approvisionnement, diminuer l'empreinte environnementale de son extraction et de sa transformation et développer l'intégralité de la filière, avec des emplois à la clé.

Nexans s'est positionné pour "transformer finalement cette rareté en avantage concurrentiel", explique Maxime Debay, qui rappelle qu'il faut plus de quinze ans pour rouvrir une nouvelle mine, "avec les conséquences écologiques qu'on connaît."

Le groupe, qui vise 30% d'utilisation de cuivre recyclé à l'horizon 2030, est présent depuis 2008 sur ce segment via sa coentreprise avec Suez, Recycâbles. Aujourd'hui, il travaille, avec des collecteurs comme Suez, Derichebourg et Veolia, à structurer la filière.

"Tout l'enjeu pour nous va être de construire, de tisser un réseau pour avoir une collecte plus cohérente et plus volumineuse, et qu'on puisse chaque jour aller chercher les volumes nécessaires", souligne Maxime Debay.

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