Le débat public sur le nucléaire tourne court

Le débat public sur la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, censé contribuer à la stratégie du pays, est en suspens, décision inhabituelle prise par les organisateurs après plusieurs initiatives politiques qui leur coupent l'herbe sous les pieds.

Le débat, qui doit se clôre le 27 février, reprendra mais pour ne plus traiter que de la place accordée au public dans la définition de la politique nucléaire, a décidé mardi la Commission nationale du débat public (CNDP) réunie exceptionnellement et en plénière.

Entamé en octobre, ce débat sur la construction de six réacteurs EPR "avait permis d'avancer sur des questions majeures (...). Mais le contexte dans lequel il se tient désormais a changé", constatent mercredi ses organisateurs.

Ceux-ci évoquent notamment l'examen en cours d'un projet de loi d'accélération des procédures administratives d'autorisation de réacteurs dont les sénateurs entendent déjà tirer profit pour définir la place du nucléaire dans le mix énergétique de la France.

Un "Conseil de politique nucléaire" s'est en outre réuni le 3 février à l'Elysée "dont le communiqué laisse peu de doute sur le contenu des décisions qui seront prises concernant le programme de réacteurs mis en débat", relèvent-ils.

Emmanuel Macron entend relancer la filière nucléaire sans plus attendre, avec deux premiers réacteurs EPR dès 2035, alors que le Parlement doit encore se prononcer, au plus tôt cet été, sur la stratégie énergétique du pays.

Deux réunions publiques du débat, à Lille, le 26 janvier, et à Lyon, jeudi, ont par ailleurs dû être interrompues à la suite de manifestations d'une dizaine de personnes.

"Ces évolutions récentes constatées viennent toutes interroger la possibilité d'une participation réelle du public à l'élaboration des décisions : c'est le coeur même du débat public qui est en cause", ajoutent les organisateurs.

- "Sérieux ennuis" -

Les réunions prévues notamment le 16 février à Tours et la dernière, le 27 à Rouen, n'auront donc pas lieu.

A la place les organisateurs réfléchissent à un rendez-vous permettant à tous (EDF, Etat, ONG, élus...) de s'exprimer sur la place du public dans le débat sur le nucléaire.

"On veut que ce constat de blocage serve à quelque chose", explique à l'AFP le président de la commission ad hoc, Michel Badré. "On ne va pas résoudre ce problème en trois semaines, mais on peut bien poser les questions".

Le sujet n'est pas nouveau: la France, premier pays nucléaire par habitant, n'a jamais réellement sondé son opinion.

Le sujet était déjà tranché avant le débat de 2005 sur le réacteur de nouvelle génération EPR de Flamanville ou en 2013 sur le projet Cigeo d'enfouissement des déchets.

Dans le cas présent, aurait-on pu faire mieux?

Michel Badré s'interroge par exemple sur le projet de loi d'accélération administrative, estimant qu'il n'y avait pas le feu pour en débattre au Parlement avant même que le débat public ait produit ses conclusions.

Quant au Conseil de politique nucléaire réuni vendredi autour d'Emmanuel Macron, "c'est très bien de vouloir contrôler les délais mais ça ne suffit pas", estime-t-il.

"A côté de cette demande d'ingénieurs, la participation du public à tous les stades de la conduite du projet est essentielle et si on ne le fait pas, on s'expose à de graves ennuis. On est dans une société où les gens ont le droit de participer à la décision!", insiste Michel Badré.

Les organisateurs du débat public avaient déjà émis une première alerte en janvier tandis que Greenpeace claquait la porte.

Poster un commentaire
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.
Déjà membre ? Je me connecte.
Je ne suis pas encore membre, Je crée mon compte.