L'assureur des collectivités en appelle à l'Etat, à ses confrères et aux élus

Face au problème des communes qui peinent à s'assurer, le directeur général de la Smacl, un des principaux assureurs sur ce marché, demande la mise en oeuvre rapide de mesures concrètes.

"Il y a des solutions qui existent, elles ont été identifiées, travaillons ensemble pour les mettre en oeuvre", plaide Patrick Blanchard, lors d'un entretien accordé cette semaine à l'AFP.

La Smacl, assureur des collectivités territoriales en France, est notamment spécialisée auprès des villes de taille moyenne à grande.

Cette filiale de la MAIF se partage l'essentiel du marché avec Groupama, plutôt présent sur les communes plus petites.

Les assureurs sont historiquement frileux à couvrir les risques des collectivités locales, dont les sinistres peuvent être très importants en cas d'émeutes ou de catastrophes naturelles, ce dernier risque étant amené à augmenter à l'avenir en raison du dérèglement climatique.

Après avoir participé pendant des années à une guerre des prix mortifère, la Smacl se retrouve prise en tenaille depuis plusieurs mois.

D'un côté, le maintien de ses anciens tarifs la mènerait tout droit à la faillite, tant les coûts des sinistres liés au dérèglement climatique comme aux émeutes urbaines ont explosé.

De l'autre, ses assurés aux finances contraintes ne peuvent pas suivre les hausses de primes et de niveaux de franchises, distillées lors des renouvellements de contrats à échéance.

Alors que faire pour les communes en mal d'assureurs? Simplifier les règles encadrant les appels d'offres des communes, développer la prévention, avec des responsables dédiés au sein des collectivités, et s'assurer que chaque assureur prend sa part, répond M. Blanchard.

Ces conclusions se retrouvent également dans les travaux d'Alain Chrétien, vice-président de l'AMF et maire de Vesoul (Horizons), de Jean-Yves Dagès, ancien président de Groupama, et du sénateur LR Jean-François Husson, rendus publics l'an dernier, et plus récemment dans un avis de l'Autorité de la concurrence.

M. Blanchard demande aussi une répartition des coûts à trois niveaux: les assurés prendraient en charge les "petits" sinistres, de grande fréquence mais de petite intensité, dans une limite de 1.000 à 2.000 euros. "Continuer à déclarer ça à l'assureur, ça n'a vraiment pas de sens", selon lui.

Les assureurs "doivent jouer leur rôle" à partir de ce seuil (second niveau) mais être secondés par de la réassurance publique (troisième niveau) "pour les sinistres de très grande intensité", à l'image du régime des catastrophes naturelles.

- Nerf de la guerre -

En attendant, la Smacl a drastiquement augmenté ses prix, au grand désespoir, voire à la grande colère, des maires.

"Nous avons une logique de tarification qui se veut au plus juste", rétorque M. Blanchard, "à une exception près que sont les franchises pour les émeutes".

Cette franchise, qu'il reconnaît lui-même être "démesurée", traduit le fait que "la Smacl a failli disparaître" à la suite des violentes émeutes urbaines de l'été 2023 consécutives à la mort de Nahel, tué par un policier à Nanterre.

"Nous ne souhaitons pas les maintenir" à ce niveau-là, tempère-t-il, c'est une "forme d'alerte".

Cette augmentation en a entraîné une autre, puisque le code des assurances prévoit que la franchise liée aux catastrophes naturelles soit la plus élevée du contrat. Cette dernière s'en est donc retrouvée drastiquement augmentée.

Si Patrick Blanchard assure ne pas résilier sèchement de contrats, il admet ne plus répondre à certains appels d'offre et convient que des avenants proposés et pas acceptés par ses clients conduisent à des résiliations.

A ses yeux, il est probable que se développent des foyers d'inassurabilité: des communes qui, en l'état du marché, ne pourront plus s'assurer.

Sur toute la façade littorale française, "les assureurs vont avoir tendance à sortir", la Smacl en tête, prévient-il.

Les communes exposées à une forte responsabilité civile, par exemple celles qui abritent des digues, sont aussi concernées.

M. Blanchard ne confirme pas cependant le chiffre de 1.500 communes sans assurance, régulièrement avancé.

Ce changement de pied de la Smacl se ressent dans les comptes en 2024: son chiffre d'affaires s'annonce en hausse de 15%, autour de 470 millions d'euros, pour une perte nette divisée par cinq sur un an. Le dirigeant espère redevenir rentable en 2026.

Cette période s'accompagne aussi d'une lente baisse des effectifs, sans plan social mais à la faveur de non remplacements des départs.