Les discussions à l'Assemblée sur le futur énergétique de la France sont devenues électriques jeudi, avec l'adoption surprise d'un moratoire sur le développement de nouvelles installations éoliennes et photovoltaïques, une mesure "irresponsable" selon le gouvernement.
Un amendement du député LR Jérôme Nury a été adopté de justesse par la droite et l'extrême droite face aux bancs dégarnis de la gauche et des groupes du bloc central (Renaissance, Horizons, MoDem).
Le RN n'a eu de cesse de dénoncer tout au long des débats des énergies coûteuses et "intermittentes".
Dans la foulée du vote, plusieurs députés ont déploré un texte devenu "incohérent" et les orateurs PS, écologiste et LFI se sont succédé au micro pour dénoncer ce vote, et réclamer le retrait du texte.
Une demande rejetée par le ministre de l'Industrie Marc Ferracci (Renaissance), qui a déclaré vouloir que l'examen aille "à son terme". Il pourra se poursuivre vendredi s'il n'est pas achevé dans la nuit jeudi.
Un vote solennel sur cette proposition de loi portée à l'origine par le sénateur Daniel Gremillet (LR), qui acte par ailleurs une relance massive du nucléaire, est prévu mardi.
Plusieurs députés insoumis ont interpellé dans l'hémicycle les députés macronistes, leur demandant s'ils approuveraient ce texte au moment du vote.
Si c'était le cas, la mesure pourrait être retirée au cours de la suite de la navette, le texte devant revenir en deuxième lecture au Sénat les 8 et 9 juillet.
Et le gouvernement avait prévenu dès avant les débats qu'il publierait le décret fixant la nouvelle feuille de route énergétique de la France pour la période 2025-2035 avant la fin de l'été. Soit avant l'adoption définitive de ce texte qui avait été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée sous la pression du RN.
- "Catastrophe" -
"Quand la démocratie parlementaire ne va pas dans le sens qui leur plait, ils contournent!", a fustigé sur X le député RN Jean-Philippe Tanguy, face aux demandes de retrait du texte à gauche.
La veille, le Rassemblement national avait déjà engrangé une victoire, les députés ayant approuvé le redémarrage de la centrale nucléaire de Fessenheim, fermée en 2020.
Jeudi, le rapporteur du texte Antoine Armand (Renaissance), tout en rejetant lui aussi la demande de retrait, a fustigé l'introduction du moratoire, une "catastrophe économique et industrielle".
Il a pointé la contradiction entre les positions de la droite à l'Assemblée et au Sénat, où le texte a été voté en octobre 2024.
"Ce qui a été adopté (jeudi), je le dis avec gravité, avec solennité, est parfaitement irresponsable", et "dévastateur", s'est aussi désolé Marc Ferracci, déplorant le "signal" envoyé aux acteurs industriels. Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) s'était alarmé par avance jeudi matin de la tournure du texte.
"Le gouvernement assumera" ses responsabilités "jusqu'à la fin de ce texte, dans le respect de nos procédures démocratiques", a poursuivi M. Ferracci.
- "Clarification" -
Plus tôt dans la journée, l'Assemblée avait approuvé un objectif de production d'énergie renouvelable pour 2030, donnant son feu vert à un amendement de la députée socialiste Marie-Noëlle Battistel.
Celui-ci prévoit que sur les 560 térawattheures (TWh) d'électricité décarbonée qui devront être produits en 2030, "au moins 200" devront être "issus de sources renouvelables".
Cet amendement, qui a reçu un avis de sagesse d'Antoine Armand et du gouvernement, a été adopté avec les voix de tous les groupes, y compris LR, contre le RN et ses alliés ciottistes de l'UDR.
"Comment peut-on faire 200 térawattheure d'électricité renouvelable sans éolien terrestre, sans éolien maritime et sans photovoltaïque?", a demandé Matthias Tavel (LFI).
M. Armand a interpellé les LR sur la dissonance entre ces votes sur le moratoire et les énergies renouvelables, demandant une "clarification" de la position du groupe présidé par Laurent Wauquiez.
La gauche avait, elle, regretté que les amendements visant à donner des objectifs chiffrés par filière (éolien, hydraulique, solaire, etc.) n'aient pas été retenus, y voyant un "signal extrêmement mauvais" envoyé aux industriels de la filière.