Faut-il y voir un effet Trump ? Les banques membres de la Net-Zero Banking Alliance (NZBA), programme onusien de neutralité carbone, ont revu à la baisse leurs ambitions communes, dans un contexte moins favorable pour le climat en Europe et aux États-Unis.
"Les membres de la NZBA ont fixé de nouvelles priorités en réponse à l'évolution des circonstances extérieures et des besoins des membres", explique mardi l'alliance dans un communiqué.
Sous couvert de "flexibilité", la NZBA a opéré une mise à jour sémantique diluant son objectif initial: les "directives" deviennent de simples "orientations" quand les "exigences" sont remplacées par des "recommandations".
L'objectif de limitation du réchauffement à 1,5°C d'ici 2050, repris de l'Accord de Paris sur le climat, est par ailleurs remplacé par "bien en-dessous de 2°, en s'efforçant (d'atteindre) 1,5°".
"Nous voulons continuer à soutenir l'Accord de Paris", a cependant assuré à l'AFP Shargiil Bashir, un des responsables de la NZBA, aussi chargé du développement durable au sein de First Abu Dhabi Bank.
Lancée en 2021 dans le cadre de l'Initiative financière du programme des Nations unies pour l'environnement (UNEP-FI), afin d'inciter les banques à porter en priorité leurs efforts sur les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre et à jouer un rôle clé dans la transition vers une économie neutre en carbone, la NZBA a d'abord attiré vers elle les établissements bancaires du monde entier, jusqu'à approcher les 150 membres.
La tendance s'est inversée en fin d'année dernière, après l'élection à la présidence des États-Unis de Donald Trump, qui a notamment promis de "forer à tout-va", une formule devenue un de ses slogans de campagne ("We will drill, baby, drill").
Six grandes banques américaines ont quitté la NZBA dans la foulée: Goldman Sachs, Wells Fargo, Citi, Bank of America, Morgan Stanley et JPMorgan Chase.
Elles ont été suivies depuis janvier par des banques canadiennes, dont RBC, et japonaises, comme Sumitomo Mitsui Financial Group et Mizuho, réduisant le nombre actuel de membres à 128.
- "Immense bond en arrière" -
De l'autre côté de l'Atlantique, l'heure est à la "simplification" avec par exemple le report à 2028 par le Parlement européen de l'obligation de publication d'informations en matière de durabilité (CSRD) pour les entreprises qui étaient tenues de le faire à partir de 2026 ou 2027.
L'alliance NZBA "a fait un immense bond en arrière avec ce vote", a déploré Lucie Pinson, directrice de l'ONG spécialisée Reclaim Finance.
Parallèlement à l'évolution de cette doctrine, elle appelle les banques à réaffirmer leur engagement de limiter le réchauffement climatique à +1,5°C par rapport à l'ère préindustrielle.
"Nous sommes profondément déçus que les grandes banques aient poussé la NZBA à édulcorer ses lignes directrices à propos du +1,5°C et des objectifs climatiques", a de son côté déploré Jeanne Martin, spécialiste des banques au sein de ShareAction, "alors même que nous assistons à des sécheresses historiques et à des inondations catastrophiques liées au changement climatique".
Le vote des membres est sans appel: la participation, ouverte depuis le 19 mars, a été importante et 90% des votants se sont prononcés en faveur de ces changements.
"Les banques françaises restent engagées à accompagner tous leurs clients dans la transition vers une économie décarbonée, et le travail mené par la NZBA est très utile pour fournir un cadre international supportant cette trajectoire indispensable", a réagi la Fédération bancaire française (FBF), sollicitée par l'AFP.
BNP Paribas, le Crédit agricole, la Société générale, le Crédit mutuel, le groupe BPCE (rassemblant les Banques populaires et les Caisses d'épargne) et La Banque postale font partie de la NZBA, selon le dernier décompte de son site internet.
L'alliance mondiale des assureurs pour l'objectif zéro carbone, créée en juillet 2021 sous l'égide de l'ONU, a elle été plombée par des défections d'ampleur au printemps 2023.
Elle avait perdu en l'espace de quelques semaines une grande partie de ses membres, dont les fondateurs Scor, Axa et Allianz, sur fond de critiques de la part d'une vingtaine de procureurs d'Etats républicains des Etats-Unis, qui invoquaient un risque d'entrave au droit de la concurrence.
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