L'accès des femmes aux emplois de direction reste entravé par des "résistances" dans la fonction publique, malgré de récentes avancées, juge auprès de l'AFP Nathalie Pilhes, présidente du réseau de hautes fonctionnaires Administration moderne.
Grâce à l'introduction de quotas de nominations, et de sanctions pour les administrations échouant à s'y conformer, les femmes occupent 43% des emplois de catégorie A+, les plus prestigieux et mieux rémunérés du secteur public.
Mais cette catégorie A+ est une "grande nasse", remarque Nathalie Pilhes, présidente de l'association depuis 2016 et fonctionnaire du ministère de l'Intérieur.
Le problème est que "le fond de la nasse est féminisé et le haut de la nasse est très masculin", explique-t-elle.
Pour tenter de féminiser davantage l'encadrement, depuis 2017, au moins 40% des personnes nommées pour la première fois aux emplois de direction de l'Etat, des hôpitaux et des collectivités doivent être des femmes.
Ce "dispositif de nominations équilibrées" (DNE) a amené des progrès spectaculaires dans les nominations de femmes aux responsabilités, au sein de ministères comme celui des Armées ou de la Culture, se réjouit Mme Pilhes.
Reste une faiblesse: le DNE ne s'appliquant qu'à une partie des emplois de direction de la fonction publique, le pourcentage de femmes parmi le vivier de hauts fonctionnaires occupant ces emplois reste réduit.
"Les trois quarts des postes à responsabilités aujourd'hui sont occupés par des hommes", assure ainsi la présidente d'Administration moderne.
Malgré ses effets positifs sur les premières nominations (le "flux" des nouveaux arrivants), le DNE n'a "pas eu d'effet de ruissellement sur la place des femmes dans les postes les plus élevés" (le "stock" des hauts fonctionnaires déjà en place), résume Mme Pilhes.
Elle note "des résistances considérables" chez les employeurs publics et "des biais de genre encore très importants dans (...) le recrutement sur les postes de direction".
Mme Pilhes voit néanmoins un motif d'espoir dans les nominations de femmes à plusieurs postes-clés ces derniers mois: Claire Landais comme secrétaire générale du gouvernement, Emilie Piette à la Diese (la DRH de la haute fonction publique, qu'elle a cependant récemment quittée), Maryvonne Le Brignonen à l'Institut national du service public (ex-ENA)...
- Maternité -
"Je sens vraiment un changement. Etant passées par là, les femmes à ces postes font beaucoup plus attention aux biais qui peuvent exister dans les progressions de carrière", souligne-t-elle. Elles sont "plus attentives" aux mécanismes "d'éviction" qui peuvent pénaliser la carrière des femmes, poursuit-elle.
Nouvelle étape dans le long chemin vers la parité aux postes de pouvoir, le Parlement a adopté en juillet une loi "renforçant l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique".
En plus de rehausser les objectifs sur les nominations, elle fixe pour la première fois des objectifs contraignants pour accroître le "stock" de femmes occupant des emplois de direction: dès 2027, un taux minimum de 40% de personnes de chaque sexe devra être présent dans ces postes à responsabilités.
Autre mesure phare, la loi crée un index d'égalité professionnelle dans la fonction publique qui forcera les employeurs à être plus transparents sur les écarts de rémunération entre femmes et hommes.
Autant d'avancées saluées par Nathalie Pilhes, qui regrette cependant l'absence d'un "sujet majeur" dans la loi: la conciliation entre vie privée et vie professionnelle.
"L'éléphant dans la pièce qu'on ne traite pas pour l'instant, (c'est) la maternité et son impact sur la carrière des femmes", déplore-t-elle.
Alors qu'un congé de maternité "s'anticipe beaucoup plus" qu'un accident ou un arrêt de maladie, "comment prend-on en compte cette indisponibilité mineure dans la carrière des femmes?" s'interroge Mme Pilhes.