De la pomme à la bouteille plastique: depuis une vingtaine d'années, le français Pellenc ST, créé par un spécialiste du machinisme agricole, s'est hissé en champion international du tri des déchets, un levier de la transition dans lequel de gros progrès restent à accomplir.
Dans un entrepôt de 900 mètres carré, à quelques kilomètres d'Aix-en-Provence, des ouvriers assemblent, vissent, connectent une vingtaine de machines jaunes et bleues, destinées à équiper les centres de tri des déchets du monde entier.
Jean-Philippe, intérimaire, fixe des réflecteurs sur la structure de la future machine de tri, qui vont servir à éclairer le tapis sur lequel arriveront les déchets.
"On envoie de la lumière sur la matière, la lumière contient l'information, qui est décryptée dans un spectromètre proche infrarouge qui va regarder les différentes longueurs d'ondes qui ont été captées par la lumière. On vient regarder la chaîne moléculaire, qui porte l'identité de la matière" déposée sur le circuit de tri, explique Jean Henin, PDG et actionnaire principal.
Si le procédé est utilisé par d'autres fabricants, les pièces des machines assemblées par le groupe sont mises au point et dessinées par ses propres ingénieurs.
Le résultat: les bouteilles plastiques convoyées par un circuit de rampes atterrissent sur un tapis roulant à trois mètres par seconde, et jusqu'à cinq tonnes par heure.
Les bouteilles sont passées au crible du spectromètre, dont l'analyse est envoyée sur l'ordinateur, qui "nous dit si c'est une matière qu'il faut éjecter ou non", déclenchant des buses d'air qui répartissent les déchets selon les paramètres programmés, le tout en trois millièmes de seconde, explique dans un vacarme qui avoisine les 100 décibels Flavien Estève, technicien de démonstration.
Avec un roboticien, Roger Pellenc, spécialiste de la mécanisation de la récolte, "a créé un premier robot cueilleur de pommes" dans les années 1980, raconte M. Henin. "Un jour, M. Pellenc a visité un centre de tri et il s'est dit +ce robot cueilleur de pommes, je peux aussi lui faire cueillir des bouteilles en plastique+. C'est un peu le robot des champs qui a fait le robot des villes", résume M. Henin.
C'est ainsi que naît au début des années 2000 Pellenc ST (selective technologies). Devenue depuis totalement autonome de sa cousine agricole, elle revendique aujourd'hui le deuxième rang mondial de ce marché de niche, derrière le géant norvégien Tomra.
- Une demande en progression -
Preuve de la demande grandissante pour ces machines de tri, l'entrepôt de production va bientôt "plus que doubler", selon M. Henin, qui doit également inaugurer mardi un laboratoire de 1.350 m2 dédiés au développement des machines du futur.
"Sur la détection, il y a vraiment encore des sauts de performance à faire", explique M. Henin, qui souhaite aider les centres de tri à devenir "de vraies usines", alors qu'ils connaissent encore "entre 10 et 30%" de pertes de déchets qui ne seront donc pas valorisés. Un manque à gagner aux cause multiples, des erreurs de tri du citoyen aux procédés de tri, en passant par la conception des machines.
Si la France recycle 100% de l'acier ou 85% du verre employés dans ses emballages ménagers, la proportion pour le plastique tombe à 28%, selon des chiffres 2020 de l'organisme Citeo.
Un chiffre qui fait d'elle un des plus mauvais élèves en Europe, selon des chiffres de 2018 communiqués par Plastics Europe.
Au-delà du recyclage, les ONG comme Zero Waste plaident pour une réduction des usages: "le recyclage est une des solutions pour traiter les déchets, mais malheureusement, par exemple en Allemagne, où le taux de recyclage du plastique est meilleur, ça ne réduit pas la production de plastique", souligne Juliette Franquet, une responsable de l'ONG, qui souhaite des objectifs plus ambitieux pour le réemploi et l'éco-conception des produits.
"C'est quelque chose qui nous intéresse, sur lequel on se positionne", réagit M. Henin.
Pour preuve, la présence, à l'extérieur des bâtiments d'un mystérieux cube bleu nuit: ce kiosque de collecte, équipé d'un écran tactile, déjà expérimenté dans la région pour inciter le consommateur à trier davantage ses bouteilles plastiques, pourrait tout-à-fait être utilisé comme outil de consigne en France, au cas où celle-ci serait instaurée par le gouvernement.