Une première fissure, une deuxième, puis une dans chaque pièce: comme chez Élodie, des millions de maisons individuelles construites sur des sols argileux sont menacées par la sécheresse, une facture à plus d'un milliard d'euros par an pour le système d'assurance.
"Au début nous avons eu peur que la maison s'effondre", raconte à l'AFP l'employée commerciale de 33 ans qui vit dans un village près de Montpellier avec son conjoint et ses deux enfants.
En cause, le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux (RGA) qui touche une bonne moitié du territoire métropolitain. Il résulte d'une succession d'épisodes de sécheresse l'été et de ré-humidification des sols en automne ou en hiver.
"Ce retrait-gonflement va créer un mouvement de terrain qui va déstabiliser les fondations des maisons et générer des fissures sur les murs", explique à l'AFP Charles Dumartinet, responsable du pôle risques majeurs chez l'assureur Covéa (MAAF, MMA, GMF). Le sol agit alors comme une éponge.
Les dégâts peuvent aller jusqu'à mettre en péril la maison entière.
Les travaux datant de juin 2021 du Commissariat général au développement durable indiquent que sur les 19,2 millions de maisons individuelles en France métropolitaine, 10,4 millions (ou 54,2%) sont en zone d'exposition moyenne ou forte au RGA.
Ces constructions, souvent réalisées à partir des années 70, sont vulnérables par leur structure légère et peu rigide. Leurs fondations sont souvent moins profondes que celles des immeubles collectifs et supportent moins bien les distorsions générées par le mouvement du terrain.
- Prendre son mal en patience -
Le coût moyen d'un sinistre RGA est estimé à 16.300 euros, selon un rapport du début d'année de la Cour des comptes. Certaines régions apparaissent historiquement plus touchées que d'autres: Ile-de-France, Occitanie, PACA, Nouvelle-Aquitaine.
Au total, c'est une facture à plus d'un milliard d'euros pour les années les plus sèches, comme en 2018 et en 2020. Même s'il est encore trop tôt pour l'affirmer, 2022 s'inscrit dans cette lignée.
Sous l'effet du réchauffement climatique, la planète "connaîtra davantage d'épisodes de chaleur extrême" avec "des épisodes de sécheresse plus sévères et plus récurrents", prévient la fédération professionnelle France Assureurs, qui chiffre les sinistres à 43 milliards d'euros entre 2020 et 2050. Trois fois plus que les 13,8 milliards indemnisés sur la période 1989-2019, selon elle.
Pour l'assuré, le temps d'indemnisation est long, puisque les communes qui font des demandes de reconnaissance de catastrophes naturelles reçoivent un avis s'il est favorable (dans 50% à 70% des cas ces dernières années) dans les 18 mois.
Il faut ensuite compter le temps des études de sol, de la "mise en surveillance" de la maison par un expert, des travaux pour renforcer les fondations(installation par exemple de tubes d'acier, ou micropieux, dans le sol) et des réparations des dommages esthétiques.
La galère d'Elodie a commencé il y a deux ans et demi, peu de temps après l'achat de la maison. Son dossier est en cours d'étude, avec des résultats attendus en septembre.
Il lui faudra ensuite "attendre entre six mois et un an pour que les travaux démarrent", et au moins autant "pour s'assurer que la maison ne bouge plus" et réaliser l'embellissement, explique-t-elle.
- Une catastrophe naturelle à part -
A la différence des autres catastrophes naturelles (inondations, incendies, tempêtes...), le RGA n'est pas un phénomène soudain et imprévisible.
Il est de plus "très difficile de rattacher (...) une fissure ou une désordre majeur sur les structures d'une construction à un événement précis", soulignait le conseiller maître à la Cour des comptes Frédéric Angermann lors d'une table ronde organisée mi-juin par le réassureur public français CCR, en première ligne sur ce sujet.
Le Conseil économique social et environnemental (Cese) s'est prononcé en avril en faveur de la sortie du RGA du régime des catastrophes naturelles, qui a par ailleurs de plus en plus de mal à supporter la facture croissante des indemnisations.
France Assureurs est contre.
Un de ses principaux adhérents, Covéa, préconise pour pérenniser le système actuel une augmentation annuelle sur la prime multirisque habitation moyenne de 2 euros par an sur les vingt prochaines années.