La pêche française, un secteur prospère à l'avenir en question

Poissons vedettes des étals, techniques de pêche, situation de la flotte: tour d'horizon de la filière pêche française, après la conclusion jeudi d'un accord post-Brexit, qui risque de peser sur sa prospérité et son avenir.

Sur le podium européen mais déficitaire

La France est le troisième producteur de poissons (pêche et aquaculture confondues) de l'Union européenne, avec près de 700.000 tonnes de produits de la mer en 2018 et "un peu moins" en 2020, selon le comité national des pêches, qui ne dispose pas encore des chiffres consolidés. Ex aequo avec le Danemark, elle est relativement loin derrière l'Espagne (environ 1,15 million de tonnes) et le Royaume-Uni (près de 900.000 tonnes).

En 2016, la France avait vendu quelque 700.000 tonnes de poissons pour un chiffre d'affaires de 2,7 milliards d'euros.

Malgré cela, la pêche française reste minoritaire sur les étals et déficitaire, avec des importations qui excèdent largement ses exportations, contribuant pour 4,3 milliards d'euros au déficit du commerce extérieur français.

La faute à un goût prononcé pour des espèces introuvables dans les filets français. En 2018, la France a ainsi importé pour 1,4 milliard d'euros de saumons et 800 millions d'euros de crevettes, qui constituent à eux deux le tiers des importations de poissons. Seuls 25% du poisson vendu en France provient de la pêche française, expliquait France Filière Pêche fin 2019.

Parmi les produits préférés des Français pêchés par les armements hexagonaux: le lieu noir, la coquille Saint-Jacques, la lotte, le bulot, le maquereau et le merlan.

Des armements vieillissants

La France, avec 7.855 bateaux dont 4.417 en métropole, compte essentiellement des petits bateaux, de moins de 12 mètres, dédiés à la petite pêche (3.562 bateaux) contre à peine 300 bateaux dédiés à la pêche au large et à la grande pêche.

Le chiffre d'affaires le plus conséquent vient toutefois des plus grosses unités.

La pêche au chalut approvisionne 54% de l'offre en pêche française. Elle permet de pêcher les espèces près du fond comme le cabillaud, le merlu, la lotte ou la langoustine ainsi que des espèces pélagiques comme l'anchois (chalut pélagique).

Le reste des approvisionnements se fait avec des filets pour capturer notamment lotte, raie, sole ou langouste (11%), mais aussi à la drague, pour pêcher des coquillages comme la Saint-Jacques (9%); avec des casiers, pour pêcher crabes, homards et autres crustacés (5%); et à la palangre, pour capturer requins, congres et dorades (4%).

La pêche française est engagée dans un renouvellement de sa flotte, vieillissante. Entre 2017 et 2019, une vingtaine de navires de 18-24 mètres sont sortis des chantiers. Objectifs: réduire la facture énergétique et améliorer la qualité de vie à bord pour attirer de nouveaux marins.

Une activité rémunératrice

En 2016, la France comptait quelque 13.500 marins-pêcheurs (9.500 en métropole et près de 4.000 dans les outre-mers). Dont 2.000 doivent partir à la retraite d'ici 2020, soit près d'un sur six.

"Il y a beaucoup de marins qui sont partis, mais pas autant" que cette proportion d'un sur six, indique-t-on au comité national des pêches. "Par contre, on est toujours en pénurie d'équipages", faute de candidats. "On va commencer, dans le cadre du plan de relance" de l'économie française, "à faire la promotion des métiers de la mer".

Pointés du doigt comme responsables de la surpêche, les marins ont vu chuter leur cote d'amour.

Selon le dernier bilan de l'Ifremer des ressources halieutiques françaises, 49% des volumes pêchés en France sont issus de stocks de poissons exploités durablement, et 26% de stocks surpêchés. Le reste est constitué d'espèces non classifiées ou non évaluées.

La situation s'améliore, mais l'objectif européen de 100% des espèces pêchées durablement d'ici fin 2020 ne sera pas atteint.

En termes de profession, 58% des Français pensent qu'un marin-pêcheur gagne un salaire inférieur ou égal au Smic, mais sa rémunération mensuelle varie en fait entre 2.500 et 3.000 euros nets mensuels, relève France Filière Pêche.

Les conséquences du Brexit

Avant de renouveler leur flotte, certains armateurs et pêcheurs se posent des questions par rapport au Brexit, qui obstrue considérablement leur vision sur l'avenir du métier.

Lors d'une audition au Sénat en février 2019, Hubert Carré, directeur général du comité national des pêches, avait estimé à 140 millions d'euros le manque à gagner en termes de chiffre d'affaires pour la pêche française en cas de "no deal", sans compter les métiers de l'aval.

Il estimait que quelque 200 bateaux de pêche français verraient leur chiffre d'affaires "impacté à plus de 20%" en cas d'exclusion des eaux britanniques, avec d'importantes disparités selon les ports.

Les premières déclarations du négociateur Michel Barnier, après l'annonce d'un accord commercial post-Brexit entre Londres et l'UE, laissent augurer un impact sur le chiffre d'affaires des armements, que l'Europe s'est engagée à "accompagner".

Sources: Commission européenne, FranceAgriMer, France Filière Pêche, Ifremer