"Une mutation aussi profonde que brutale": en pleine expansion ces dernières années, la filière française des pompes à chaleur affronte nombre de défis logistiques et surtout humains pour tripler sa production d'ici 2027.
A cet horizon, le secteur doit arriver à produire un million de pompes à chaleur sur le territoire, un objectif fixé par le président Emmanuel Macron.
Or la filière "vit une mutation aussi profonde que brutale", a indiqué à l'AFP Philippe Dénecé, directeur général du groupe Intuis, l'un des gros producteurs français de ces systèmes de chauffage/climatisation émettant très peu de gaz à effet de serre.
L'occasion de "construire un nouveau modèle, plus local et plus durable", a-t-il pondéré lundi, lors d'une visite de la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, dans une usine du groupe à Feuquières-en-Vimeu (Somme).
Son entreprise bénéficie du label Origine France Garantie, qui signifie qu'au moins 50% de la valeur ajoutée provient de l'Hexagone. Un chiffre qui serait, concernant Intuis, de l'ordre de 60 à 65% selon Philippe Dénecé.
Mais Intuis doit importer certains composants, et va les chercher loin, comme les compresseurs, qui proviennent de Chine.
Philippe Dénecé pointe des "ressources limitées" en la matière en Europe, qui "obligent encore à dépendre de ces fournisseurs étrangers".
Intuis et Atlantic, autre poids-lourd français du secteur, projettent à eux deux d'atteindre "dans les années qui viennent" 500.000 pompes à chaleur produites par an, selon les chiffres donnés par Agnès Pannier-Runacher lors de sa visite.
Dans leur sillage, le secteur est en plein boom. Selon les données d'Uniclima, syndicat des acteurs français de la filière, plus d'un million de pompes à chaleur ont été vendues en France en 2022, dont 346.000 pompes air/eau.
C'est surtout la vente de ces dernières -prélevant des calories dans l'air pour chauffer un circuit d'eau, et réputées plus écologiques- qui explose: elle a quadruplé en cinq ans.
Chez Atlantic, qui ne produisait pas de pompes à chaleur il y a vingt ans, elles comptent désormais pour 30% du chiffre d'affaires, dont plus de la moitié sont des pompes air/eau.
- Recruter -
Mais, les gros fabricants se heurtent à la difficulté de recruter.
A Feuquières-en-Vimeu, où Intuis a inauguré en juin une nouvelle extension de son usine, une centaine de postes sont encore à pourvoir, soit environ la moitié des emplois ouverts à la suite de l'agrandissement.
"Le facteur humain, c'est le principal défi", indique Philippe Dénecé, qui reconnaît "une certaine difficulté à recruter".
"L'image de l'industrie est très éloignée de la réalité", justifie Agnès Pannier-Runacher, pour qui d'autres secteurs industriels sont confrontés à ce problème. "Parfois, on se représente ces métiers comme étant peu nobles, pas intéressants, difficiles". "Il faut changer ce regard sur l'industrie".
Pour pourvoir ses nouveaux postes, Intuis a formé des personnes issues d'autres secteurs. Lionel Palandre, directeur de l'usine, assure avoir ainsi recruté "des gens qui viennent des métiers de l'artisanat, des boulangers, des gens qui n'ont pas du tout d'expérience dans l'industrie".
A la suite d'une "formation initiale de 3-4 jours" suivie d'une certification, ceux-ci ont pu intégrer la chaîne de production pour "une formation continue, au fil de l'eau", à des postes tels que le brasage, procédé proche de la soudure.
L'arrivée de salariés inexpérimentés ne s'est pas faite sans encombre.
"On a accueilli énormément de monde d'un coup, et pour former tout le monde, on a eu des périodes compliquées", reconnaît Florent Patteux, responsable d'atelier, arrivé chez Intuis il y a 13 ans.
"Maintenant, on est mieux armés qu'à l'époque", rassure-t-il. "Je pense que la transition sera plus facile" lors des prochains recrutements".