La ménopause, une nuisance silencieuse au travail

Bouffées de chaleur, fatigue, brouillard mental... La ménopause, qui concerne plus de 17 millions de Françaises de 45 ans et plus, reste difficile à aborder au travail, alors que plus de huit femmes sur dix ont ressenti une gêne liée aux symptômes dans leur activité.

"Les jours de moins bien sont vraiment hyper violents", rapporte à l'AFP Samantha, 54 ans, qui travaille dans le marketing. "Certains jours, si on me disait: +si tu avales cette pilule tu peux mourir tout de suite+, je le ferais", ajoute cette femme qui comme d'autres témoins a préféré taire son nom.

Elle juge "violent" le tabou autour du sujet, car "c'est sale, ça ne se dit pas".

Selon un sondage OpinionWay publié mercredi et mené auprès d'un millier de femmes ménopausées, une sur quatre rapporte qu'il lui est arrivé de dissimuler des symptômes par peur d'être discriminée au travail.

Elles sont aussi 25% à estimer que parler de ce sujet en entreprise est susceptible de leur porter préjudice professionnellement, selon cette enquête pour le groupe pharmaceutique Astellas.

Et même si 66% estiment que parler est légitime, une majorité (53%) n'en parle à personne dans son entreprise.

Pourtant, 87% des femmes interrogées ont ressenti au moins une gêne au travail liée aux symptômes: bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, troubles de l'humeur, douleurs articulaires, maux de tête...

- Perte de 10% de revenus -

Confrontées à ce bouleversement naturel qui intervient à 51 ans en moyenne en France, certaines femmes peuvent être amenées à refuser une promotion, voire quitter leur poste.

L'économiste Pauline Grosjean cite auprès de l'AFP une étude publiée en mars portant sur des données suédoises et norvégiennes, qui fournit "un chiffrage de l'impact économique individuel de la ménopause".

Evalué "à 10% de revenus en moyenne", il s'explique "en grande partie par la réduction des heures de travail et les absences", dit-elle.

Mathilde, 54 ans, confie avoir quitté son job de cadre dirigeante dans l'industrie en décembre, en raison notamment de ses symptômes "épouvantables".

"Ca déglingue le corps et l'esprit", constate aussi Laurence, 55 ans. Cette secrétaire administrative dans le BTP, accompagnée depuis peu par l'association "DisDameDonc", dédiée à la santé des femmes, dit comprendre celles qui "décélèrent" face aux symptômes.

- "Et puis paf" -

Pierre-François Ceccaldi, professeur en gynécologie obstétrique à l'hôpital Beaujon (AP-HP), reçoit chaque semaine une dizaine de patientes préoccupées par la ménopause et son retentissement "tant sur la sphère privée que sur la sphère professionnelle".

Elles arrivent à la cinquantaine, elles ont des postes à responsabilité, les enfants quittent la maison, elles pensent qu'elles sont "tranquilles", "et puis paf, vous tombe cette carence hormonale d'un coup", dit-il à l'AFP.

Ménopausée depuis environ trois ans, Samantha confirme ce mauvais timing. Elle déplore que "ce ne soit pas entendu et compris", alors que ce qui concerne "les règles et les douleurs menstruelles" s'est vraiment amélioré dans le monde du travail.

Pour le Dr Ceccaldi qui a co-fondé le "ménopause club", une plateforme gratuite d'information et d'assistance financée par l'ARS Île-de-France, ce sont "plein de petites choses qui s'accumulent" qui font que les femmes concernées "ne se sentent plus en capacité ou en compétence sur cette période-là".

"Ca dure le temps qu'on s'y acclimate", poursuit-il, en rappelant que les traitements hormonaux sont rares.

Mais aux patientes qui lui disent "Dr, j'ai l'impression que je suis au bout du rouleau", il rétorque un "message positif": "ce n'est qu'une étape, le milieu de la vie (...) on va vous aider à franchir ce cap".

Mais pour certaines, le temps est long à l'instar d'Olivia Begyn, bientôt 50 ans et en pré-ménopause depuis environ dix ans.

"Je ne suis toujours pas ménopausée à mon grand désespoir", rapporte cette coach vocale et thérapeute, en soulignant qu'"avec des hormones "qui partent en cacahuète", "tout prend une dimension exponentielle émotionnellement".

"Je pense que quand on est devenue (...) une belle vieille dame, ça va", anticipe aussi Samantha. "Mais là, on est vraiment sur la transition. C'est ça qui est difficile".

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