"Marre des taxes! On s'en sort pas!" c'est le cri du coeur de Philippe Salmon, 49 ans, infirmier libéral et Wydiane Adahlali, 24 ans, maraîchère indépendante, tous deux fervents soutiens des "gilets jaunes" qui battront le pavé samedi en Gironde.
En Médoc, terre de contrastes entre châteaux viticoles et forte précarité, Philippe qui "ne manifeste jamais" portera le gilet de la colère samedi, "parce qu'il faut y être pour que le président comprenne que le peuple français en a ras-le-bol".
Il prédit une "très forte mobilisation" et pas seulement à Saint-Vivien-de-Médoc, son village. "Les réseaux sociaux annoncent des blocages de tracteurs, partout, sur la RN215, entre Bordeaux et Le Verdon", dit-il.
Ce père de six enfants confie que lui, gagne "plutôt bien" sa vie. "Mais je ne m'en sors plus, je ne sais pas comment font les gens qui gagnent le SMIC, je ne sais vraiment pas comment", lâche-t-il d'une voix étranglée par la colère et l'émotion.
Sept jours sur sept, il couvre "au moins six communes" et parcourt quotidiennement "150 à 200 km", au volant de sa jeep aussi jaune que le gilet qu'il endossera samedi.
Pour Philippe qui n'a jamais milité nulle part, "les taxes, c'est un sujet qui dépasse les clivages politiques". "Et je suis d'autant plus à l'aise pour dire ça, souligne-t-il, que je ne suis ni poujadiste ni FN" (Front National devenu Rassemblement National). En 2017, il a "voté Macron".
Il ose à peine calculer ce que pèsera "la surtaxe Macron" sur ses charges, "ça fait trop mal". À la louche, il compte "au moins 50 euros de plus par mois, multiplié par 12... plus les contraventions, plus les assurances, plus le loyer de la voiture".
Il n'y a qu'une équation qui vaille à ses yeux: "charges plus importantes, impôts plus importants = tout ce que je travaille en plus, repart en novembre et décembre, chez Monsieur Macron, à Bercy".
"Le président dit qu'il détaxe le travail, mais qu'est-ce qui se passe pour tous ceux qui ont besoin de la voiture pour le travail ?", s'exaspère-t-il.
- "Monsieur le président, on s'en sort pas!" -
"Ras-le-bol" aussi au marché des Capucins, à Bordeaux. Samedi, Wydiane restera derrière son étal, mais "soutient à fond" les Gilets Jaunes. "Qui sème le vent récolte la tempête", lance-t-elle en direction du gouvernement. "Les gens en ont marre, tout le monde en a marre!"
"Monsieur le président veut favoriser l'entreprise et le travail, mais il nous surtaxe. On s'en sort pas!"
Au volant de sa camionnette, cette jeune travailleuse indépendante associée à son père fait l'aller-retour Coutras (nord de la Gironde), Bordeaux, soit 120 kilomètres, six jours sur sept. "En carburant, ça fait un équivalent de 20 euros par jour multiplié par six, ça se sent vite sur le portefeuille".
Une fois le calcul fait, la petite entreprise familiale "s'en tire à 200 euros par semaine, minimum. Avant l'augmentation des taxes, c'était 300 à 350 euros par mois! (...) Alors pour pouvoir rentabiliser tout ça, on est passé aux 65 heures par semaine, y a pas le choix".
"On entend à la télé qu'il faut favoriser l'emploi mais on ne fait rien pour aider les gens à travailler et à avoir envie de travailler. On est taxé de tous les côtés", dit-elle.
Les solutions pour économiser le gasoil? "Ça ne marche pas. On pourrait laisser un véhicule à Bordeaux, mais avec les stationnements payants partout, on ne peut pas se garer cinq minutes sans avoir un PV à 35 euros".
"Pour s'en sortir financièrement avec toutes les charges, pas de repos ! On travaille plus et plus, pour gagner de moins en moins", peste la petite maraîchère entre deux clients.