Trier, réparer, consigner, réutiliser, recycler... Au lendemain d'un sommet sur "l'urgence climatique" à l'ONU, le Sénat a entamé mardi l'examen du projet de loi antigaspillage et pour une économie circulaire, qui vise selon Brune Poirson à "une consommation propre".
Le texte sera examiné en première lecture jusqu'à la fin de la semaine par la "chambre des territoires", à majorité de droite. Plus de 600 amendements ont été déposés. Il ira ensuite à l'Assemblée nationale, où le gouvernement dispose d'une large majorité.
La France produit cinq tonnes de déchets par an et par personne, dont 600 kilos de déchets ménagers et 700 kilos de déchets des entreprises, selon le ministère de la Transition écologique. Le seul secteur du bâtiment en produit autant, et celui des travaux publics 2,7 tonnes.
Le projet de loi se veut un premier pas vers l'"accélération écologique" annoncée par le Premier ministre Edouard Philippe avant l'été. Attendu par les industriels, les collectivités comme les associations de consommateurs et de défense de l'environnement, il entend renforcer le principe du pollueur/payeur en l'étendant à de nouveaux secteurs: jouets, matériaux de construction, articles de sports, de bricolage, ou encore lingettes ou produits du tabac. De quoi alimenter les pressions des lobbies.
Le texte vise à améliorer l'information du consommateur sur la réparabilité des équipements électriques et électroniques et à faciliter l'utilisation de pièces détachées d'occasion, avec l'objectif de lutter contre l'obsolescence programmée.
A l'instar de ce qui existe déjà contre le gaspillage alimentaire, il interdit l'élimination des invendus des produits non-alimentaires -vêtements, cosmétiques...- qui sont encore utilisables. "Une première mondiale", a vanté la secrétaire d'Etat Brune Poirson, qui a dit vouloir s'"attaquer à une réduction de toutes les formes de gaspillage".
- "Manque d'ampleur" -
La rapporteur Marta de Cidrac (LR) a néamoins regretté le "manque d'ampleur du texte" et réaffirmé l'hostilité d'une majorité de sénateurs au dispositif de consigne pour recyclage des bouteilles en plastique.
L'UE a fixé un objectif de 90% de collecte des bouteilles plastique en 2029, quand la France plafonne à 57%.
En commission, les sénateurs ont, à une large majorité, recentré le dispositif de consigne sur "le réemploi ou réutilisation", excluant la consigne pour recyclage.
La ministre a assuré devant la chambre haute qu'"aucune consigne pour recyclage ne pourra être mise en place sans que les collectivités en aient décidé". Aucun système de consigne pour recyclage ne pourra être mis en oeuvre "sans qu'il soit aussi adossé d'une façon ou d'une autre à une consigne pour réemploi", a-t-elle également affirmé.
"Force est de constater que le système actuel n'atteint pas ses objectifs", a déclaré Eric Gold (RDSE à majorité radicale), tandis que Jérôme Bignon (Indépendants) jugeait "légitimes" les inquiétudes sur la consigne.
"C'est un non sens écologique", "une mauvaise nouvelle pour le consommateur" et "un cadeau aux industriels", a tancé Claude Kern (centriste).
"Malgré un bel emballage médiatique", cette consigne est "inique", a dénoncé Joël Bigot (PS), tout en saluant d'autres "points positifs" dans le texte.
Guillaume Gontard (CRCE à majorité communiste) a estimé que le projet de loi "va dans le bons sens, mais reste largement insuffisant". "Il ne propose pas de scénario de sortie du plastique", a-t-il déploré.
Frédéric Marchand (LREM) a défendu "un véritable projet de société".
En commission, les sénateurs ont inscrit dans la loi l'objectif de 100% de plastique recyclé d'ici au 1er janvier 2025, porté par le gouvernement. Ils ont aussi interdit la distribution gratuite de bouteilles d'eau plate en plastique dans les établissements recevant du public.
Parmi les autres apports en commission, les sénateurs, qui ont en mémoire le décès du maire de Signes, ont prévu un renforcement du pouvoir de police des élus pour lutter contre les dépôts sauvages de déchets.