La Guyane ambitionne une production électrique 100% décarbonée d'ici 2027

La Guyane vise 100% d'énergies renouvelables dans son mix électrique en 2027 et l'autonomie énergétique d'ici 2030, grâce notamment à une méga-centrale électrique d'EDF au bio-carburant importé qui sera mise en service en 2026.

La prochaine Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) du département amazonien de 300.000 habitants, que l'AFP a pu consulter, ambitionne une production électrique 100% décarbonée d'ici 2027 pour les communes du littoral reliées au réseau de distribution.

Un objectif réalisable alors que son mix électrique atteignait 73% d'énergies renouvelables (ENR) fin 2022, essentiellement du solaire et de l'hydraulique, selon un rapport parlementaire de 2023 dédié à l'aménagement du territoire guyanais.

La Guyane, zone non interconnectée (ZNI) au réseau électrique continental, vise également l'autonomie de sa production électrique en 2030, conformément à l'objectif inscrit dans la loi de "transition énergétique pour la croissance verte" de 2015.

"Nous nous réjouissons d'avoir une PPE 100% énergies renouvelables, c'est une performance à saluer dans les zones non interconnectées", déclare à l'AFP Arnaud Flament, représentant régional Guyane du Syndicat des énergies renouvelables (SER). Mais l'organisation déplore un manque d'ambition sur l'autre volet de cette PPE: l'autonomie énergétique.

"On pense que l'on aurait pu aller beaucoup plus loin en intégrant davantage de sources d'électricité renouvelables endogènes sur un territoire au potentiel important, et ainsi limiter l'utilisation des bioliquides importés à leur strict minimum", souligne Arnaud Flament.

Dans son viseur: le mode d'approvisionnement de la future centrale du Larivot qui fonctionnera à la biomasse liquide (colza), alors qu'il n'existe aujourd'hui aucune filière de production d'agrocarburants en Guyane.

Pour faire tourner sa centrale, EDF devra en importer 100.000 tonnes par an, aux coûts variables du marché.

- Sécuriser le réseau -

La PPE, dont la phase de concertation s'est achevée le 10 mai, constitue l'outil de pilotage de la politique énergétique du territoire ultramarin. Il est co-élaboré par les services de l'Etat et les autorités locales pour une période de cinq ans, avec une vision sur 10 ans.

Y sont inscrits les besoins en énergie et en moyens de production à horizon 2028 et 2033, corollaires du développement économique et infrastructurel de la Guyane, territoire qui a connu ces dernières années une des plus fortes croissances démographiques selon l'Insee.

La PPE prévoit d'augmenter d'ici 2033 la part du solaire (+61 mégawatt) qui fournit 7% de la consommation électrique en 2024. La puissance garantie de la biomasse solide sera augmentée de 10MW, la valorisation des déchets entre +6,9MW et +12,9MW. 20 mégawatt fournis par l'énergie éolienne sont également envisagés, à condition que l'armée, qui protège le centre spatial avec ses radars, lève son véto.

Mais elle table sur la centrale électrique EDF du Larivot et ses 120 MW pour sécuriser le réseau et tourner la page des coupures de courant. Ce projet de 700 millions d'euros - plus gros investissement actuellement en Guyane - est en cours de construction près de Cayenne après avoir été longtemps contesté en justice.

Le Larivot remplacera la vieille centrale thermique polluante de Dégrad-des-Cannes.

Consciente de cette dépendance aux importations, la Collectivité territoriale de la Guyane prévoit une utilisation "a minima" de la centrale, inscrite dans le projet de décret comme "un moyen de sécurisation du réseau et pas de production", rappelle à l'AFP Pierre Cazelles, chef du département transition énergétique de la Collectivité.

"L'essence de cette centrale est de faire en sorte qu'il n'y ait plus de black out, mais tant qu'il n'y aura pas assez d'électricité, elle produira aussi, le temps que des projets ENR sortent de terre". Ainsi, le Larivot composera entre 15% et 35% du mix énergétique à horizon 2033, à condition que l'ensemble des projets inscrits dans la PPE voient le jour.

Pour le SER, ces projections montrent que la centrale occupe une place encore trop importante au détriment de la valorisation de ressources renouvelables locales.

TotalEnergies a d'ailleurs retiré début mars le projet de ferme solaire "Maya" de 20MW, prévu près de Cayenne, compte tenu de "l'absence de besoin en moyens additionnels de production de puissance pilotable" transcrit dans la future PPE autour du chef-lieu de Guyane, en lien avec l'avènement de la centrale du Larivot.