Accusée par les ONG de ne pas aller assez loin dans ses stratégies climatiques, la finance française a reçu vendredi le soutien du gouvernement tout en dévoilant de nouvelles mesures pour convaincre de ses efforts.
"Oui, la place financière de Paris peut certainement faire encore mieux. Mais de toutes les places financières mondiales, nous devons reconnaître que c'est celle qui fait le plus", a déclaré le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire, en conclusion du Climate Finance Day, colloque de réflexion sur la finance et le climat organisé à Paris.
"Je demande à ce qu'on fasse preuve d'honnêteté. Honnêteté pour reconnaître que les banques françaises sont les premières au monde à s'être engagées pour sortir des énergies les plus polluantes. Honnêteté pour reconnaître les efforts de notre secteur financier et ses premiers succès", a encore dit le ministre.
Ces propos interviennent quelques jours après que deux ONG, Les Amis de la terre et Oxfam France, ont accusé le secteur financier français de ne pas aller suffisamment vite et suffisamment loin sur la question du climat, notamment en continuant à financer des entreprises actives dans le secteur du charbon.
Ces ONG ont appelé la France à légiférer "dès 2020" pour contraindre ses banques à adopter des stratégies visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré, dans une étude consacrée à leur empreinte carbone, que le lobby bancaire a immédiatement contestée.
"Nous ne pouvons pas écarter d'un revers de la main ces doutes et ces inquiétudes", a affirmé vendredi M. Le Maire.
C'est pourquoi "nous devons gagner en crédibilité", a-t-il dit. "Nous devons rehausser nos ambitions et aller plus vite", a estimé M. Le Maire, concédant notamment qu'à l'échelle mondiale, "nous sommes en train de perdre la bataille contre les émissions de gaz à effet de serre".
- Rester la première finance verte -
Dans ce contexte, le ministre a dévoilé diverses mesures pour que la France "reste la première place financière verte de la planète".
Pour ce faire, la France mènera en 2020 un test de résistance financier pour évaluer la capacité des grands groupes bancaires et d'assurances à faire face au risque climatique.
Les superviseurs prévoient de définir "deux ou trois scénarios climatiques adverses" dont les détails seront publiés au cours du premier trimestre 2020, a révélé François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, à l'occasion du même colloque.
Ces scénarios seront appliqués "durant l'année à toutes les grandes banques et compagnies d'assurances françaises et nous allons publier les résultats", a ajouté le banquier central.
Parmi les autres mesures annoncées par le ministre, le gouvernement a lancé une mission "pour recenser les meilleures pratiques des places financières européennes en matière de finance verte et les appliquer à Paris".
En outre, les autorités financières françaises prévoient de publier un rapport conjoint sur les investissements verts de la place de Paris en novembre 2020, en vue notamment d'évaluer si les engagements pris par les établissements financiers lors de l'Accord de Paris sur le climat en 2015 ont été respectés.
- L'UE appelée à agir -
"C'est la première fois que les acteurs d'une place financière allient leurs forces pour créer un dispositif d'auto-évaluation", a fait valoir M. Le Maire, tout en appelant les autres pays européens et l'UE à suivre cet exemple.
"Nous proposons que l'Union européenne réfléchisse à un dispositif similaire de contrôle à celui que nous créons en France. Nous pourrions mettre en place un dispositif de contrôle européen des engagements du secteur financier en matière de finance verte", a-t-il dit.
Pour soutenir cette réflexion, la France prévoit de travailler sur des indicateurs européens standardisés de performance environnementale des entreprises et fera des propositions à la Commission européenne.
"La France peut être un modèle en Europe. Mais la France seule n'arrêtera pas le réchauffement climatique. J'appelle toutes les banques et tous les assureurs européens à réfléchir à des engagements similaires de sortie du charbon avec 2030 comme objectif européen", a encore martelé le ministre.