La France est un champion du nucléaire, mais son parc vieillissant l'oblige désormais à prendre des décisions pour l'avenir. L'urgence climatique et les besoins en électricité ont convaincu l'exécutif de construire de nouveaux réacteurs, un défi industriel et financier.
Un champion au parc vieillissant
La France est le pays le plus nucléarisé du monde si l'on regarde la part de cette énergie dans l'électricité produite, autour de 70% selon le gestionnaire du réseau électrique RTE.
Avec 56 réacteurs, le pays compte le deuxième plus gros parc au monde derrière les Etats-Unis.
La France avait misé sur le "tout nucléaire" pour produire son électricité, par souci d'indépendance et pour faire face à la crise pétrolière des années 70. La filière revendique aujourd'hui quelque 220.000 salariés dans le pays.
Le parc, construit entre les années 1970 et la fin des années 1990, vieillit et nécessite des investissements.
Le programme dit de "grand carénage" vise à poursuivre le fonctionnement des réacteurs au-delà de 40 ans, et doit coûter près de 50 milliards d'euros.
Mais même si leur vie est prolongée jusqu'à 50 ou 60 ans pour certains, les réacteurs finiront par arriver en fin de vie au cours des prochaines décennies.
Et comme ils ont été construits à la même époque, ils devront fermer en masse dans un laps de temps réduit: c'est "l'effet falaise".
Un regain d'intérêt
La France a prévu de réduire à 50% la part du nucléaire dans son bouquet électrique d'ici 2035 afin de diversifier ses sources d'approvisionnement, notamment en faveur des renouvelables. Ainsi la centrale de Fessenheim a-t-elle été fermée en 2020.
Mais l'atome suscite un regain d'intérêt en raison de ses avantages climatiques (il émet très peu de CO2, même en prenant en compte l'ensemble de son cycle de vie) et des besoins en électricité qui vont augmenter dans les transports ou l'industrie.
Le président Emmanuel Macron a ainsi annoncé en novembre la construction de nouveaux réacteurs pour "garantir l'indépendance énergétique de la France, pour garantir l'approvisionnement électrique de notre pays et atteindre nos objectifs, en particulier la neutralité carbone en 2050".
Il doit préciser jeudi à Belfort les contours de cette "relance".
Dans des scénarios prospectifs, RTE a souligné l'avantage économique qu'il y aurait à construire de nouveaux réacteurs. Il note aussi que l'essor des renouvelables (éolien, solaire) est incontournable.
Dans tous les cas, avec les fermetures de vieux réacteurs, la part du nucléaire diminuera par rapport au niveau actuel et ne dépassera pas 50% en 2050, même en cas de construction massive de nouveaux EPR.
Le défi des nouveaux EPR
La France ne construit actuellement qu'un seul réacteur de nouvelle génération sur son sol: l'EPR de Flamanville (Manche).
Mais le chantier a pris plus de 10 ans de retard pour un coût quasiment multiplié par quatre (12,7 milliards estimés aujourd'hui). Cet échec industriel a soulevé de sérieux doutes sur la capacité de la filière à construire de nouveaux réacteurs en temps et en heure.
Sous la pression du gouvernement, EDF a adopté un plan d'excellence industrielle et dit avoir tiré les leçons des dérives de Flamanville.
La construction de nouveaux EPR améliorés (EPR2), censés être plus simples, représenterait toutefois un défi industriel important pour la France.
La filière devra "mettre en place un véritable plan Marshall pour rendre industriellement soutenable cette perspective, et disposer des compétences lui permettant de faire face à l'ampleur des projets et à leur durée", a mis en garde le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Sur le plan financier, il faudra aussi trouver un moyen de soutenir des projets très coûteux (quelque 50 milliards d'euros pour six EPR), alors qu'EDF est déjà très lourdement endetté.
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